Thérapie Taxi : chronique du sale

Squatteur des affiches de festivals depuis un an, Thérapie Taxi se devait de passer sous le radar de Hardies, où l’on aime écouter des groupes français aux noms consistant à accoler deux mots n’ayant rien à voir l’un avec l’autre. C’est chose faite.

 

Thérapie Taxi : chronique du sale
Thérapie Taxi – © Julie Oona – De gauche à droite : Raphaël Faget-Zaoui, Adélaïde Chabannes de Balsac, Renaud Bizart

 

Première salve envoyée sur le périph saturé de la “French pop” par le trio parisien, cette trilogie du “Hit sale”, annonçant le fil conducteur de ce qu’il est difficile d’appeler démarche, du groupe. Concept racoleur recyclé jusqu’au vomi, le “hit sale” semble être une exploration désabusée de la déprime urbaine consistant à baiser, s’aimer, se détester, s’insulter, boire, se défoncer, être dans le mal, se taper, re-baiser, tout ça en réponse à un malaise existentiel profond et à l’impossibilité d’aimer. Bref, du sale. Martyrs de Pigalle (quartier qui vivra l’affront de se voir dédier une chanson dans leur premier EP), cherchant une échappatoire dans la fête et le sexe.

Du sale, c’est sûr, cette “pop crasseuse” qui se revendique en-dehors de la norme, avec comme influence “toute la musique contemporaine française, […] un saladier (lire : sale-adier) sans fond dans lequel on peut puiser” (Raph, guitariste et chanteur). Soyons clairs : la seule chose anormale au radar est la voix de la chanteuse, Adé, dont la production ultra lourde du disque n’arrive pas à cacher ni les fausses notes, ni les fins de phrases étouffées dans un “mm” suspect. Oui, celui là-même qui tente de masquer l’impossibilité de tenir des voyelles : le défaut de base du chanteur débutant. A part cet inconvénient majeur, rien d’inattendu : une soupe électro-pop-rock dansante (faux genre musical qui deviendra bientôt une page Wikipédia grâce à Thérapie Taxi, Corine, Angèle et consorts), qui mange à tous les râteliers du succès, sans oublier d’emprunter quelque milliers de vues au rap grâce à Roméo Elvis en feat sur “Hit Sale”, des paroles “explicites” et un parlé-chanté approximatif.

Un sale déficit d’inspiration, aussi : outre le recyclage de la scansion déjà utilisé sur “Pigalle” et “Adena” (deux titres de leur EP) dans “Hit Sale” et “Anti Hit Sale”, Thérapie Taxi tourne fâcheusement en rond sur son vocabulaire et sur les sujets abordés dans les 14 titres de leur (trop) long premier disque. S’aimer et souffrir et se faire salement du mal (“J’en ai marre”, “PVP”, “Salop(e)”), baiser (“Cadence”), s’évader loin du sale (“Transatlantique”) et baiser (“La proue”), sortir dans les soirées parisiennes et faire du sale (chercher sa dose et taper quelqu’un dans “Cri des Loups”, affronter un videur dans “Superstar”, se mettre mal dans “Coma Idyllique” et “Crystal Memphis”, ) et avoir envie de baiser (“Hit Sale”). Enfin, pour justifier d’avoir ériger le sale en mode de vie : les deux chansons fragiles de la fin du disque, “Zarba” et “Anti Hit Sale”, ultime dramatisation du fêtard parisien qui se rappelle, bourré, au milieu de la nuit, que cette ville est laide et que sa vie n’a pas de sens.

Le sale, finalement, comme volonté de subversion. En témoigne le clip (tentant d’être) provocateur de leur dernier titre, “Avec ta Zouz”, où les trois fossoyeurs du talent chantent l’adultère dans une église, en habits de messe. Malheureusement pour eux, des générations d’enterrements de vie de jeune fille ont mis les robes de bonne soeur et les soutanes en top des ventes des magasins de déguisements. Moins choquant que d’entendre une chanson commencer par “N’aie pas le seum / Fais-moi la bise”.

Mais lorsque la tentative de choquer atteint l’insulte tout en esquivant l’intelligence, dommage, voilà sous nos yeux la vacuité totale de la démarche. Dans “Salop(e)” : “Tu te fais tourner comme une MST dans une partouze de gays” (phrase ensuite retirée de l’album, mais le mal est fait) : facile d’aligner les gros mots, plus dur d’être aussi subversif que ceux qui n’ont pas besoin de faire du sale pour être marginaux.