Interview : Les Louanges, coup de grâce à la québécoise

Les Louanges, c’est le projet de Vincent Roberge, auteur-compositeur-interprète au talent brut et à l’audace musicale avérée. À la fois inspiré par Frank Ocean, Robert Glasper et Richard Desjardins, l’artiste offre un panorama moderne de R&B, de jazz et de soul à travers un enrobage pop alternatif, qui explore différents horizons sans jamais perdre son groove originel. Sa poésie frontale aux images surréalistes se heurte à un phrasé sensible et délié, qui croise chant et rap avec une fluidité intuitive.

Rencontre avec un cool kid désinvolte ultra-doué aux inspirations multicolores, et un paquet de choses à vous dire.

© Charles-François Mingalon

 

Comment a débuté ton projet Les Louanges ?

J’ai toujours fait de la musique, j’ai eu des « bands » jusqu’à 18 ans et après le lycée, j’ai dissous mon groupe et suis devenu « dictateur » de mon propre truc pour devenir artiste solo et c’est comme ça que ça a débuté. Dans le groupe, on chantait en anglais et je trouvais ça absurde donc j’ai commencé à chanter en français.

 

C’était plus naturel pour toi de chanter en français ?

Quand je parle, j’utilise 40% de mots en anglais mais c’est parce que je suis québécois, c’est intégré dans le vocabulaire. À Montréal je parle anglais et avec ma famille, je m’exprime en français. On s’est battu toute notre existence au Québec pour être le seul endroit dans le monde avec une disparité historique socio-économique du au langage et non à ethnicité. Le français, ça va de soi.

 

Parlons un peu de ton album “Crash“. Tu l’as écrit pendant la pandémie de la Covid-19, est-ce que ça a été  pour toi une période salvatrice pour la création ou au contraire est-ce que la situation a freiné ton inspiration ?

J’approchais certainement du burn-out avant la Covid. Ça a été le point de départ de l’album, j’étais en tournée en France quand l’épidémie a commencé. Quand je suis retourné au Canada pour le confinement, j’ai eu des doutes ; j’ai préféré travailler au lieu de faire face à mes sentiments. J’étais cloîtré dans un chalet, du coup j’avais tout mon matériel et une bonne partie de ce qu’on entend sur l’album a été entamé durant cette quarantaine. D’ailleurs, le titre de l’album a été super dur à trouver. J’étais tellement dedans que je n’ai pas eu de recul, je n’arrivais pas trop à trouver le titre qui présente bien l’album. Le  titre « Crash » a  permis de synthétiser tout l’album, tout le travail effectué ces trois dernières années, trois ans dans le déséquilibre le plus total. Le crash, c’est la vraie vie qui frappe, le tourbillon de la vie de tournée qui t’absorbe, et moi qui vieillit.

 

© Charles-François Mingalon

 

Et aujourd’hui, de quel titre es-tu le plus fier ?

Ça change toujours un peu mais je pense que ma préférée de l’album est Encore. Je suis assez « geek » de la musique en général, sur la manière dont on construit une chanson et sur comment on peut s’émanciper de la forme « couplet-refrain-couplet-refrain ». Dans le rap, ils sont vraiment bons pour ça, la forme peut être complètement explosée. Je considère Nights de Frank Ocean, une de mes chansons préférées, comme le graal. C’est un long fleuve, un flux de pensées qui s’ouvrent et qui se referment. Une chanson comme Encore est dans cet esprit et j’ai essayé de faire des effets sonores en travaillant un peu plus l’électro-acoustique. J’aime beaucoup le texte, c’est vraiment une chanson qui ne ressemble pas à ce que je fais d’habitude.

 

L’album est un patchwork de tellement de musiques différentes aux inspirations rap, R&B, chill-wave avec des basses funkys, est-ce que l’idée était de marquer un tournant par rapport à ce que tu faisais avant ou tout simplement une volonté de ne rentrer dans aucune case ?

Ce qui est drôle, c’est que je réalise en France que c’est plus facile d’expliquer ce que tu fais. Mais pour moi, entre écrire une chanson ou planifier un album, il n’y a aucune différence. Je fais vraiment juste ce qui me tente quand je me lève le matin. Il y a tellement de choses que je n’ai pas faites, que j’ai envie d’explorer…

 

 

© Charles-François Mingalon

Et en plus tu touches à tellement d’instruments, c’est un peu une cour de récré pour toi…

Oui et les groupes dont je suis le plus fan sont ceux qui essayent de se réinventer à chaque album. Que ce soit Damon Albarn avec Gorillaz, Thom Yorke avec Radiohead ou même Frank Ocean. L’album Blonde est vraiment beaucoup plus digital, plus froid comparé à Channel Orange dans lequel Frank Ocean se place en héritier de Stevie Wonder, notamment sur le titre Sweet Life. J’essaye simplement de faire la musique que j’ai envie d’entendre et je vais essayer de garder cette ligne éditoriale (rires).

 

Est-ce que tu peux nous parler de ton implication dans l’artwork de l’album ?

J’avais envie de me mettre en scène sur la pochette de l’album. Sur le précédent opus, je jouais beaucoup avec la statue de la panthère mais mon nouvel album était plus personnel alors comment le retranscrire visuellement ? On avait décidé que ce serait un portrait mais pas un « beauty shot » qui ne serait pas authentique. J’ai fait équipe avec un couple de photographes qui s’appellent Alex Blouin et Jodi Heartz et lors du photoshoot, on a trouvé que c’était intéressant de jouer avec le flou de mouvement et de créer plus qu’une photo mais quelque chose qui se rapproche de la peinture. Il y a plein de couleurs qui ressortent de la cover tout en remarquant l’intensité et le côté dark qui traduisent l’esprit « get a load of me », prenez-moi sous toutes mes coutures. Ça s’est effectué naturellement et je suis content d’avoir ce visuel-là, ça résume très bien l’album.

 

 

 

Dans Pigeons”, tu es enfermé dans un hôtel, dans Chaussée, tu es en cavale avec une fille et tu finis encerclé seul par la police. Enfin dans “Qu’est-ce que tu m’fais?“, tu es enfermé dans une cellule, comme une continuité du clip précédent. Est-ce que tu as souhaité faire part de cette ligne directrice au réalisateur de tes clips afin d’être en cohérence avec l’album ?

Ce qui ressort avant tout, c’est l’identité visuelle propre aux 1990s – début 2000s dans l’esthétique. Je suis un grand fan des films de Danny Boyle, j’avais beaucoup Trainspotting en tête. Le plan de l’ascenseur dans Qu’est-ce que tu m’fais ? est véritablement une suite à “Chaussée”, comme si j’étais on the run, mais au final, tout s’est fait naturellement. Encore un bon hasard, car ça illustrait vraiment bien cette idée là : d’être pris en otage par la passion… (rires)

 

Dans le morceau éponyme de l’album, tu es en featuring avec un autre chanteur. Chez Hardies, nous sommes joueurs et avons essayé de deviner de qui il s’agissait… Vincent Roberge, les Français veulent savoir : est-ce Corneille en featuring avec toi ?

C’est exact !

 

Incroyable, mais alors comment s’est déroulée cette collaboration ?

Après mon premier album, Félix Petit (ndlr: son co-réalisateur sur l’album) a décrit ma musique comme étant du « R&B conscient ». À partir de là, la blague était : « Qui est le grand roi du R&B conscient ? » et c’est Corneille sans aucun doute.

Sur mon deuxième album, je voulais avoir un featuring avec Corneille et que je surprenne tout le monde. J’étais trop timide pour lui écrire et je ne l’avais finalement pas contacté pendant la composition et l’enregistrement de l’album. Un matin en arrivant au studio pour mixer l’album, je vois quelqu’un sortir d’une grosse voiture et j’entends « Yo, c’est ti Les Louanges ? ». Je me retourne, mal réveillé, et là je vois Corneille ! Après quelques minutes de discussion, je lui propose enfin d’écrire un couplet sur le titre Crash et je vais être honnête, je l’ai même ghosté (rires). Il m’avait relancé pour l’envoi du MP3 et je ne lui avais pas répondu…

 

T’as une exclu pour nous ?

Le gars est parfait, il a une plus belle peau de moi, il sent bon (rires) ! J’ai fait récemment une émission de télévision, il avait oublié son pull en loges. Je l’ai pris et j’ai fait « Shit, il sent bon ». Plus sérieusement, il est parfait, simple, efficace, gentil. Pour l’écriture de son couplet, je lui avais expliqué tout le concept de l’album, comment j’arrive à vivre avec le succès, et il réussit à résumer ça dans un couplet sans que j’ai à lui envoyer ma partie. Il avait tout compris.

 

 

Est-ce que tu as des envies de collaborations avec la scène française ?

Côté français, j’aime beaucoup ce que fait L’Impératrice. Et sinon je rencontre Yellowstraps la semaine prochaine à Bruxelles, j’ai très hâte. On s’est fait quelques visios et on va faire quelques jours de studio ensemble. J’ai profité de mon voyage en Europe pour texter aussi quelques personnes que j’aime bien comme Voyou, Ichon et Caballero, on verra bien !

 

« Crash » disponible partout le 21/01 chez Bonsound

Merci à Phunk et au salon de thé Kodama Paris <3