Flo Morrissey : Interview

Flo Morrissey est une jeune artiste anglaise, installée en France depuis peu.
Il y a presque un an maintenant sortait son premier album, ‘Tomorrow Will Be Beautiful‘, album sur lequel elle a longtemps travaillé.
Un album aux touches folk, porté par une voix aux mélodies assez discrètes. Ce qui compte ce sont ses paroles, écrites depuis longtemps, qu’elle semble réciter, comme des poèmes doux et mélancoliques. Nous pouvons penser à Why ou Pages of gold, qui semblent révéler un passé lourd en expérience. Cette voix, très pure, est toujours prédominante dans cet album, et nous plonge en pleine rêverie, comme avec Sleeplessly dreaming.
J’ai rencontré Flo Morrissey à Paris en février, et j’ai beaucoup apprécié sa modestie, sa simplicité et sa générosité.
Je me souviens avoir lu une interview d’elle il y a quelque temps, disant qu’elle voulait paraître intemporelle. Et ce qui m’a beaucoup marqué chez elle c’est justement à quel point elle est intemporelle : elle a 21 ans, mais j’aurais pu lui en donner 18. Et sa manière de penser reflète une maturité hors-norme, qui donne l’impression qu’elle a déjà bien vécu. Sa façon de s’habiller vacille aussi entre modernité et style bohème des années 70.
Flo aime d’ailleurs la France à la manière de ces icônes, tel que Jane Birkin, et semble voir dans Paris ce Paris de 70.

 

Flo Morrissey : Interview
© Mag Hardy

 

Ton premier album ‘Tomorrow will be beautiful’ est sorti l’été dernier. Mais c’est un album sur lequel tu as longtemps travaillé. Une des chansons a été écrite quand tu avais 15 ans. Pourquoi avoir choisi de mettre ces anciens titres sur l’album ?

Elles ne me paraissaient pas si vieilles. Je pense que l’album devait être comme l’aperçu, le reflet de ma vie adolescente. Je sentais que ces chansons étaient celles qui avaient le plus de sens pour moi. Ça donnait donc aussi du sens pour mon première album de contenir mes meilleures chansons. Certaines ont été écrites quand j’avais 15 ans, 17 ans… Mais je les ai enregistrées quand j’avais 19 ans, donc ça ne me paraissait pas si vieux.

 

C’est donc à l’âge de 15 ans que tu t’es mise à composer ?

Oui, 14/15 ans.

 

J’ai cru lire que tu n’avais pas fait d’études. Est-ce que tu as eu une formation musicale ?

J’ai quitté l’école quand j’avais 17 ans. J’étudiais la musique en langue française, à Sixth Form, un collège pour les jeunes de 16 à 18 ans en Angleterre.  Mais j’ai arrêté quand j’avais 17 ans, parce que je voulais vivre de ma musique. Donc oui c’est vrai que je n’ai aucune qualification, pas de formation universitaire … Mais j’ai toujours su que je ne voulais pas aller à l’université de toute façon. J’avais juste besoin de chanter. Peut-être qu’un jour je me mettrai à étudier, mais ce n’est pas pour le moment.

 

Quelles sont tes sources d’inspiration ? Bien-sûr il y a la musique, mais tes textes paraissent tellement aboutis… J’imagine que tu dois avoir des références très diverses ? Telles que la littérature, la poésie …

Oui j’aime beaucoup l’art : Jean Michel Basquiat, et les artistes comme Dali …
J’aime aussi beaucoup la poésie. Mes poètes préférés sont Rumi, Rilke.
J’aime lire, mais c’est quelque chose que je me suis mis à faire récemment.
Ma source d’inspiration principale a plus été, je pense, ma famille, et la manière dont j’ai grandi avec eux. C’est très différent quand tu es au milieu de beaucoup de personnes, et nous sommes 9 enfants, ce qui est assez unique je pense. Oui, c’était vraiment ma source d’inspiration principale.
Et puis je pense aussi à ces films que nous avons regardé en famille, comme Buffalo 66 de Vincent Gallo. J’ai juste toujours été à la recherche d’idées et de titres.
Mais bien sûr la musique était ma plus grande influence ; à l’époque j’écoutais Jeff Buckley, Nick Drake, Devandra Banhart … Ce genre d’artistes m’influençaient beaucoup.
C’est plus récemment que j’ai commencé à être inspirée par les livres, l’expression et la photographie.

 

Pour If You Can’t Love This All Goes Away tu as sorti une démo il y a trois ans, avant la sortie de l’album. Mais le single, que tu as sorti récemment, est lui aussi différent : il y a un écho, l’instrumental change … Pourquoi as-tu voulu la retravailler ? Tu n’étais pas satisfaite de la version de l’album ?

Pour être plus exact, il y a quatre versions, parce que Noah [NDLR : Noah Georgeson], le producteur de l’album, a fait une version de If you can’t love this all goes away. Puis mon label a voulu que Philipp Zdar en fasse une autre, qui est maintenant sur l’album. Celle de Noah n’a jamais été jouée. Ensuite nous en avons fait une autre.
J’étais contente de la version de l’album. C’est mon label qui a pensé que son potentiel n’était pas au maximum. Mais finalement j’aime toutes les versions. Mon label a voulu essayer de placer la chanson la où il pensait qu’elle pouvait aller. Ce qui est bien c’est que chaque version est vraiment différente. C’était intéressant de voir à quel point elle pouvait être adaptée et changée, tout en restant la même.

 

Qu’est ce que tu cherchais à dire dans cette chanson, et dans le clip qui est récemment sorti ? Est-ce qu’il en est le reflet ?

Pour le clip le réalisateur [NDLR : Dustin Lynn] avait l’idée de me mettre en scène avec trois hommes différents, je pense que c’était pour représenter une sorte de romance d’été, ce genre de chose. Son inspiration principale était un film d’Eric Rohmer, La Collectionneuse. C’est un vieux film que je n’ai jamais vu, mais j’ai vu les images, que je trouvais plutôt cool et dont je me suis inspirée. Mais c’était sa vision de la chanson pour la vidéo.
Je pense que je parlais de mon mon premier amour. Ce que j’essayais de dire c’était que … En fait,  tout a commencé avec le titre. J’ai eu le titre et je me suis dit « ok, je vais en faire une chanson ».
Bien entendu ce que je voulais dire c’était que si l’on n’aime pas, tout disparaît, mais quel serait le but de la vie si tout était juste toujours facile. Je pense que c’est important parfois de souffrir, et à travers ça apprendre beaucoup. C’est vraiment ce que j’essayais de dire. Le concept d’amour en lui-même est je pense, la chose la plus importante et je pense que c’était une chanson sur les malentendus, ce que représentait l’amour et où j’avais envie que cela me mène.
Mais le clip est vraiment une vision du réalisateur, et ne raconte pas d’expérience personnelle.
En fait, je pense que cette chanson peut avoir beaucoup de sens différents. Mais je pense que le clip essayait plus de raconter une histoire d’amour adolescente ; être capable de passer par des personnalités différentes et des sentiments différents, qui peuvent traduire qu’à la fin de la journée tu te retrouve seul, et si tu arrives à te retrouver c’est la chose la plus importante. Donc oui ça a aussi du sens avec la chanson, je comprends ce qu’il essayait de dire, et j’aime beaucoup le clip, mais ce n’était pas ma vision.

 

Flo Morrissey : Interview
© Mag Hardy

 

Tes chansons semblent souvent faire le point sur ta vie, comme par exemple Show Me ou Pages of Gold. C’est par nostalgie ? D’ailleurs tes chansons d’amours sont aussi souvent très nostalgiques.

Oui j’aime vraiment beaucoup revenir sur le passé, ou juste m’en rappeler.  Tu sais, tu as toujours envie d’être un enfant, mais aussi un adulte. Je pense que mes chansons montraient la recherche de l’équilibre entre vivre dans ce monde réel sans rejeter son passé, mais s’en souvenir, être heureux et reconnaissant de ces souvenirs. Si ça peut donner du sens (rires).

 

Oui, justement ça donne du sens aussi au titre de l’album.

Oui, exact.

 

La couverture de ton album reflète bien ton image, naturelle, bohême et rêveuse. J’ai cru comprendre que c’est ta petite sœur qui a pris cette photo ? Qu’est ce qui t’a décidé à choisir celle-ci ?

On essayait de trouver cette couverture pour l’album depuis longtemps, mais aucune des propositions ne marchaient. Et puis un jour j’ai demandé à ma petite sœur, Millie, de prendre des photos que j’enverrais au label pour voir si ça pouvait marcher. J’ai du la forcer à prendre ces photos.
Il y en a une que nous leur avons envoyé et qu’ils ont beaucoup aimé. Moi je pensais aussi à cette artiste que j’aime vraiment beaucoup, Beth Hoeckel, qui fait des collages. Nous lui avons envoyé les photos et elle a fait tous les coquelicots autour. Ca c’est fait simplement.
Sur les autres photos j’avais l’impression que l’on essayait trop et je pense que j’étais plus naturelle avec ma sœur. Ça rend l’ensemble plus détendu et c’est pour ça que je voulais celle là pour la couverture.

 

Tu as fait plusieurs reprises de chansons, dont la dernière, si je ne me trompe pas, est Yes I’m Changing de Tame Impala, en novembre. C’est important pour toi ?

Oui c’est très important. C’est vraiment de cette manière que j’ai commencé à faire de la musique, à apprendre des autres artistes. Je pense que l’on apprend des grands artistes, et que de cette manière nous pouvons prendre nos marques. Il y a tellement de beauté et d’histoires importantes dans les reprises, et les chansons d’autres personnes. J’imagine que les gens doivent trouver ça facile de juste faire une reprise de chansons, mais en fait c’est plus difficile.  J’aimerai peut-être faire un album avec entièrement des reprises et en ce moment j’essaie chaque jour de faire de nouvelles reprises et je les enregistre sur mon ordinateur, pour voir ce que j’apprends de chaque chanson. Pour moi ça a beaucoup de valeur. Je pense que c’est comme autrefois, comme dans les années 60, où tout le monde s’envoyait des chansons. Même dans les années 50, Billie Holiday pouvait chanter la même chanson. Tout le monde se soutenait et se glorifiait les uns les autres. Je pense que l’on en a besoin aujourd’hui et faire des reprises c’est une bonne manière de se soutenir.

 

J’étais très surprise que tu fasses une reprise de Tame Impala.

Oui, j’aime surprendre les gens. J’adore l’album, en particulier cette chanson. Et mon manager m’a dit « Oh Flo, je pense vraiment que tu pourrais très bien chanter Yes I’m Changing ». J’adorais l’album, mais je n’ai jamais pensé pouvoir le chanter. Et puis j’ai essayé. Je devais faire une vidéo live pour The Line of Best Fit. Ils m’ont demandé ce que je voulais chanter et je leur ai dit que j’allais essayer la chanson de Tame Impala, parce qu’ils jouaient à ce moment au festival End of the road, en Angleterre. Je m’étais juste entraînée deux ou trois fois et j’aimais vraiment beaucoup la chanter. C’est vraiment un groupe qui compte beaucoup pour moi. Je les verrais en live pour la première fois dans deux semaines [NDLR : Flo les a vu depuis] en Angleterre, car je n’ai pas pu aller à leur live au Zénith, j’étais à Londres.

 

Sur tes premières chansons, tu avais réalisé les vidéos toi-même, pour les illustrer,  et elles dévoilent un peu plus ton univers. Tu n’en as pas fait pour les morceaux de l’album, mais est ce que c’est quelque chose que tu continues, même si c’est n’est que pour toi ?

Je n’en ai pas fait depuis longtemps. Je vais m’y remettre. Je faisais ça parce que j’avais une caméra Super 8 mais c’est très long à faire ; il y a toute une procédure à faire et puis le traitement prend un mois, ensuite tu dois l’éditer … Je pense que c’est plus facile à faire quand tu as 15 ans ; tu penses moins à tout ça, tu le fais juste et j’étais tellement excitée par ça. Maintenant j’ai moins le temps et je suis en tournée… Mais j’aime vraiment faire ça et j’avais une vraie connexion avec ça. Je viens tout juste de recommencer à prendre des photos de nouveau, des microfilms de Paris. Mais oui, j’aimerais faire plus de vidéos.

 

Flo Morrissey : Interview
© Mag Hardy

 

J’ai pu voir sur ta page Youtube que tu proposes à des artistes que tu apprécies, tel que Ibeyi, de chanter, partager leur univers. Tu publies ensuite ces vidéos dans une playlist, ‘Harmony’. Est-ce que tu peux nous parler de ce projet ?

Ah oui. J’ai eu cette idée il y a quelque mois. Je me disais, comme nous en parlions précédemment, que les gens devraient plus collaborer et qu’il ne devrait pas y avoir autant de barrières entre les audiences et les artistes. J’y pensais juste et puis tout est arrivé à Paris avec les attaques en novembre, et j’étais là, et j’avais envie de montrer aux gens que nous sommes tous unis et que nous pouvons tous être en harmonie. J’ai alors tendu la main à mes artistes préférés, je leurs ai proposé de partager un message qui pourrait aider les gens à s’unir et ils l’ont fait.

 

Petit garçon est une chanson que j’aime beaucoup, et qui montre assez bien ton amour pour la France. Est-ce que tu peux y revenir un peu ? Quand l’as-tu composé ? Tu venais d’aménager à Paris ?
En fait j’avais 17 ans et je l’ai faite avec deux amis. Nous l’avons écrite tous ensemble à Sixth Form, à l’école, avant que je parte. C’était pour un projet, nous voulions réaliser une chanson en lien avec une œuvre d’art, qui montrait un petit garçon. Alors je leurs avais proposé de l’appeler ‘Petit Garçon’, et puis … Oui, nous avons juste tous écrit là-dessus. Je l’avais un peu oubliée, en fait (rires). J’aime la jouer en live mais c’est difficile sans les deux autres garçons avec qui je la chantais, parce que je ne peux pas faire tous les instruments. Mais peut-être qu’un jour je la referai, parce que j’aime cette chanson. J’aimerais réaliser un EP français, je pense.

 

Oui, je t’ai déjà entendue chanter plusieurs fois en français.

Je l’ai fait, en fait. J’ai réalisé un EP français, et je l’ai sorti moi-même. Il y a quatre chansons en français. Et je pense que je vais le refaire. J’ai finalement enlevé l’EP, parce que je l’avais juste enregistré. Maintenant je veux le refaire proprement. Et oui, je vais écrire des chansons. Je peux essayer de parler, si j’essaie vraiment j’arrive à parler en français. Mais j’ai un cours demain (rires). Tu sais j’essaie, j’ai très envie de chanter français. Mais j’oublie facilement la langue car beaucoup de mes amis ici sont anglais. C’est vraiment un piège dans lequel je suis tombée.

 

Tu aimes la France des années 70, dans certaines sessions tu chantes en français, je crois même que tu as commencé à étudier la langue. Tu habites aussi en France depuis quelque temps. Pourquoi avoir fait ce choix ? Qu’est ce que tu trouves ici plus qu’ailleurs ? Qu’est ce qui t’influence ?

Je pense que ça a vraiment commencé quand mes parents m’ont amenée à une garderie française quand j’avais trois ans, c’était près de notre maison à Londres.
Dès mes 2 ou 3 ans, le français était mon sujet préféré et pendant les vacances nous allions dans le Sud de la France à Avignon avec ma famille. Nous prenions le train de Londres à Avignon et nous allions dans une petite ville, Lambesc. Nous y avons été pendant 4 ou 5 ans, et c’est là que j’ai enregistré la vidéo de Show Me, que j’ai faite moi-même. Tout ça a surement eu un effet sur le fait que j’aime la France. Et puis j’adore Françoise Hardy, Jane Birkin, même si elle n’ait pas française. J’aime l’idée qu’elle soit anglaise et vive en France. Je me sens très liée à ça.
Je pense que vous avez juste cette façon si naturelle et facile de vivre, qui me plait beaucoup. À Londres, tout va si vite, c’est toujours « go, go, go, go, go ». À Paris les gens voient le temps plutôt en se disant « c’est la vie » (rires). Je pense que je me suis juste toujours sentie attirée par cette culture.

 

Tu ne vis plus en Angleterre, mais est-ce que tu restes influencée par sa scène musicale ? Notamment contemporaine ?

Oui ! J’aime des artistes comme Shivum Sharman, qui est un de mes amis. Il y a aussi Max Pope, avec qui j’avais fait Petit Garçon. En ce moment j’aime aussi plu généralement Beau, Okay Kaya, Pomme, Westerman, The Walters

 

Le top trois musical de Flo Morrissey ?

Ok, alors en ce moment, il y a une chanson de Eddie Harris, Why Must We Part?, qui est une de mes préférée.
J’essaie de réfléchir à ma playlist… J’aime bien Don’t explain de Billie Holliday.
Et oui… Peut-être bien Yes I’m Changing de Tame Impala.