carton : déménagement vers le sensible

Dans la série de ceux qui font les choses à leur manière, aujourd’hui on va parler d’un artiste nantais (info) très cher à notre coeur puisqu’il est un représentant, pas des derniers on l’espère, de la musique telle qu’on l’aime, expérimentale, touchante, personnelle, surprenante, excitante, accessible, etc, etc. Sous un pseudo dont l’inflammabilité laisse présager le meilleur, carton trempe son pinceau dans le pot de peinture de la pop, puis dans celui de la musique de jeu vidéo, puis dans celui de la chanson française underground, puis dans celui de Sufjan Steven (désolé Sufjan ton seau est dégueu maintenant) puis jette le pinceau parce que les métaphores indigestes ça va deux minutes, et enregistre ces chansons merveilleuses que vous n’avez jamais entendues ailleurs. Ou peut-être que si…

 

carton : déménagement vers le sensible

 

Invitons-nous donc allègrement dans les petits papiers de carton (premier et dernier pun, c’est promis). Peut être que c’est ça qui la rend si unique (peut on utiliser à plusieurs reprises des adjectifs aussi mou du cul et vide de sens dans un bon article ? À vous de voir) la musique de carton est libre, libre d’être originale mais aussi de prendre, de modifier, de calquer. Alors on trouvera parfois au fil des albums des références et des emprunts, aux formes tout à fait réjouissantes, à des morceaux venus de tous horizons. Ici le générique de l’ile aux enfants (à l’envers!?), ici une progression tirée d’un morceau de la BO de Final Fantasy 8, ici une chanson d’amour sur une version incroyablement sentimentale de Samba de Janeiro, et j’espère que vous aurez suffisamment l’eau à la bouche avec ces quelques exemples pour avoir envie de découvrir les autres trésors cachés de la discographie par vous-même. Ah et si vous pensez que ces morceaux sont des blagues ou du second degré je vous arrête tout de suite avec l’assertivité de la conviction non vérifiée : rien de ce que vous trouverez dans la discographie de carton n’est écrit sans émotion ou sans intention.

 

carton : déménagement vers le sensible
Pochette de l’album ‘cacio e pepe’.

 

Le dernier album, cacio e pepe, sorti en avril 2021 (l’actu est bien là), exclusivement enregistrée sur deux pistes, guitare et voix (petite pensée pour les MAOïstes chevronnés – non, pas les rouges – désemparés devant leurs sessions Cubase aux 74 pistes en couleurs) et qui montre au passage le talent exceptionnel de guitariste de carton qui tire de son instrument – ou celui d’un ami, les possessions nous possèdent – des meringues de notes et d’accord dont la richesse et la légèreté tiennent la dragée haute à celles des meilleurs pâtissiers (coucou Cyril). Cette simplicité retrouvée apparaît comme la suite logique de ses deux précédents albums de chansons – nous ne parlerons pas pour le moment des autres.

 

carton : déménagement vers le sensible
Pochette de l’album ‘le havre’

 

Son premier album le havre / the haven, double album en vérité, dont la face jaune reprend en anglais et dans des versions complètement chamboulées les morceaux de la face rouge (à moins que ce ne soit le contraire, ou ni l’un ni l’autre, n’y voyez peut être que d’abscons liens sur lesquels il serait téméraires de vouloir poser des mots) était un recueil de chansons intimistes (et toutes originales pour le coup, les emprunts sus-cités arrivent après) très construites – brillamment même – dont la production et les arrangements, tout en gardant forcément (et férocement) leur côté DIY, étaient particulièrement important et par ailleurs d’une intelligence et d’une singularité rare. Pour ces lies-là, carton avait suivi plus ou moins la même formule avec plus de liberté, des versions ou la spontanéité l’emportent un peu plus sur le soin des structures et des arrangements, pour un résultat tout aussi réjouissant. Il était donc dans la logique des choses que carton finisse par enregistrer l’essence même de ses chansons, dans leur appareil le plus simple, celui dans lequel on peut les écouter en concert. cacio e pepe reprend de fait plusieurs titres déjà parus précédemment pour les mettre à nu, avec l’heureuse conséquence de faire ressortir encore un peu plus le génie mélodique et harmonique de leurs compositions.

Si vous décidez de plonger dans l’univers alvéolaire de carton (désolé on y tenait plus) vous y découvrirez également un album de musique de jeux vidéos faites maison (pour des jeux vidéos qui n’existent pas – encore ? –  sauf erreur) et un album plus expérimental, sérieusement moins pop, mais qui donne au courageux explorateur, certaines clés de compréhension du reste de la discographie. Des clés de compréhension et des influences vous en trouverez également tout au long de la page MIXCLOUD de carton qui poste de temps à autre de nouvelles mixtapes remplies à ras bord de pépites de chocolat, pour le chineur en mal de raretés à charger sur son baladeur. Vous l’aurez compris, ce serait dommage de passer à côté.