Fauchage Collectif : Interview

Depuis six ans, Fauchage Collectif met à l’honneur les cultures alternatives avec le live comme terrain de jeu.
L’association encourage la recherche de nouvelles formes d’expressions artistiques et soutient des groupes comme Angle Mort & Clignotant, Ceylon, Princesse Näpalm, ou Mss Frnce.
Fauchage Collectif se reconnaît dans la fusion des genres, la folie et l’expérimentation. Le collectif s’ouvre aussi à d’autres champs artistiques avec le cinéma et la photo.

Rencontre avec Léo Lenvers, fondateur du collectif, musicien dans LN-VR et Princesse Näpalm.

 

Fauchage Collectif : Interview
© Pointecouteau

 

Comment est né Fauchage Collectif ?

Fauchage Collectif est né en 2014, avec l’envie de réunir différents artistes, musicien.ne.s et vidéastes.
Pour les concerts, ça a démarré avec Princesse Näpalm. En toute transparence, nous avions envie de nous faire jouer et de faire jouer nos ami.es ayant des groupes.

Il y a eu très vite un lien avec le Cinéma. Nous avons fait des projections des films des membres du collectif. Des films de Classico Mig et Ludovic Bernard où souvent j’avais fait la BO.
Le premier évènement officiel était à la fac de Jussieu sous forme d’un festival de courts métrages : « Taille un short film festival ».

 

Régulièrement les groupes nous parlent de l’importance d’être un collectif, pour jouer et se donner de la visibilité. Fauchage a aussi commencé comme ça ?

Il y a une partie de ça, clairement. À la base, nous étions une association de fait : un groupement de personnes. Chacun avait son propre projet, nous avions envie de créer ensemble et d’avoir des projets les un.e.s avec les autres…
Nous avons officialisé ce regroupement avec une association 1901.

 

Le terme “collectif” semble avoir tout son sens chez Fauchage. Comment fait-on pour fonctionner sous ce modèle, notamment dans l’organisation d’évènements ?

Au début, il n’y avait pas vraiment de structure. Chacun pouvait monter un événement de manière spontanée.
Aujourd’hui on essaie de travailler davantage sous forme d’un comité de programmation avec une programmation au trimestre.  On reste ouvert à toutes les propositions des membres de l’association.

Nous avons appris de nos erreurs. Par exemple, il y a eu des périodes où nous avons enchainé beaucoup de soirées à quelques jours d’intervalles. Sans surprises certaines ont foiré. Sans forcément parler de l’aspect financier, quand la salle est vide ce n’est marrant pour personne…
Avec ce comité de programmation, nous planifions
nos différentes soirées dans le temps et nous essayons de donner de la cohérence à cet ensemble.

 

Justement vous mélangez pas mal les genres dans vos soirées…

Oui, parce qu’à la base Fauchage c’est une large bande d’ami.e.s ; certain.e.s viennent de la teuf techno, d’autres du métal, du hip hop… Aujourd’hui on a mis en place des franchises musicales, en fonction de tous ces genres, comme « Rue Crédit », « Graisse Auditive », « Goutte d’Acide », « Flashy Urbain » et d’autres.

Ces classifications sont des regroupements, des indications pour certaines esthétiques. C’est valable pour les groupes mais pas seulement. Par exemple dans la franchise « Taz Mahal », on essaie de mettre en avant des performeur.se.s, du VJing et de la déco.
Ce sont des propositions artistiques, presque au delà de la musique, même si quand tu vas aux « Taz Mahal »tu sais que ça sera plutôt electro / techno.

 

Fauchage Collectif : Interview
© Éva Quillec

 

Vous dites de vos évènements qu’ils sont « en marge ». Qu’est-ce que vous entendez par ce mot ?

C’est une très bonne question. Initialement cet aspect « en marge » de la culture mainstream, était le penchant fort du collectif. En partie parce que nous étions tournés vers des cultures dites extrêmes comme le Punk HxC ou la Psytrance.
Avec le temps, crier nous plait toujours mais nous nous sommes rendu.e.s compte que l’on peut revendiquer nos valeurs sous d’autres formes.

Je définirais bien Fauchage Collectif comme un regard vers les groupes qui osent quelque chose dans la folie artistique et dans la fusion des genres. J’aime ces mélanges comme le Nu-Metal (oui, du Hip Hop et du Metal, trop bien !).
Par extension il s’avère que ces groupes sont classés dans la case « indépendants » ou « underground », et donc en marge du mainstream. Il y a des groupes pop que je trouve très bien, mais que je ne défendrais peut-être pas avec Fauchage Collectif.

 

Dans les franchises dont tu parlais il y a quelque chose de l’ordre du brutal et du trash qui revient. Et tu dis d’ailleurs que tu ne défendrais à priori pas des projets pop. Qu’est-ce qui vous intéresse dans ces esthétiques là ?

Personnellement, j’aime l’idée de crier une idée, car cela vient du fond de nous, c’est animal et spontané. C’est une certaine forme de transparence, je trouve. Cette énergie s’exprime réellement en live. C’est ce qui nous a rassemblé dans le collectif initialement.

Aujourd’hui, c’est la force du live qui nous intéresse : l’énergie que peut avoir un.e artiste sur scène, ses expressions ou sa façon d’aller chercher le public ; sans forcément crier ou qu’il y ait de la disto sur la voix. Il y a cette recherche de l’expérience live forte et de sa transmission au public.

 

Sur vos évènements, les groupes que vous programmez ne viennent pas forcément du collectif. Quels sont vos critères ?

Chacun a sa manière de remonter un groupe au comité de programmation. Pour ma part, je donne de l’importance aux recommandations de mon entourage. Aussi, la grande majorité des groupes que j’ai programmés, je les avais déjà vus sur scène.

Il m’arrive d’ouvrir mes mails et de tomber sur un projet qui me plait. C’était le cas avec Carte Contact (rires). Typiquement, c’est arrivé au bon moment ; je n’étais pas en tournée, le nom m’a intrigué, j’avais prévu d’aller les voir et au dernier moment je me suis retrouvé à jouer avec elles au Supersonic.

 

Avec Fauchage vous avez aussi sorti une compilation, vous avez pour projet de développer l’aspect label ?

Nous avons effectivement posé les fondations d’un label en 2018 avec la première compilation Fauchage. Sur cet objet, chaque artiste est arrivé avec un morceau déjà existant. On a eu du mal à se considérer comme un label, car un label est celui qui produit l’ensemble du disque. Et avec cette compilation, ce n’était pas le cas.
Par contre, elle a permis de donner une visibilité à nos artistes ; nous avons plus jouer le rôle de média influenceur que réellement de label.

Depuis cette année, Léa MKL a monté le vrai label de Fauchage : Fauchage COLLECTION !
L’idée est de produire des groupes du collectif, Angle Mort & Clignotant est d’ailleurs dans les starting-blocks, mais pas seulement. On aimerait aussi s’ouvrir à d’autres groupes.

Pour ma part, même si à présent je me concentre davantage sur mes propres projets artistiques, j’ai pu développer une autre facette de l’association : le management de groupe et le développement artistique.

 

 

La branche management est venue après coup ?

Par rapport à l’organisation de concerts, oui. Cela semblait être dans la continuité. Pour moi, aider les groupes qui ont envie de se professionnaliser signifie : garder l’intégrité de leurs propos artistiques tout en les inscrivant dans une réalité économique.
C’est une question d’équilibre entre la douce folie des grandeurs et la stabilité du projet dans le temps.

Je me suis intéressé à la partie management d’artiste vers 2016, avec des amies. Nous avions créé une structure à part “Lobotomized”, pour se chercher. Au bout d’un an, en 2017, j’ai finalement choisi de réintégrer cette partie dans Fauchage. C’était ma structure légale, ça paraissait cohérent.

 

Vous avez donc commencé avec des groupes qui faisaient partie du collectif ?

Oui, avec Angle Mort & Clignotant, ça a commencé avec leur sélection aux Inouis du Printemps de Bourges.
Pour Ceylon, je les conseillais depuis un moment. Mon rôle de management s’est officialisé quand ils ont rencontré leur producteur Alex Monville (LaCouveuse).

Souvent, l’élément qui fait que le management s’officialise, c’est quand le groupe passe une étape : un.e booker.euse, un.e producteur.rice, un tremplin découverte… Et qu’il a besoin d’un représentant, d’un avis extérieur, d’une mise en place de stratégie sur le long terme.

 

Tu as donc appris sur le tas finalement ?

Oui. En fait, depuis le début de Fauchage c’est ainsi : il a fallu apprendre à faire de la comptabilité, des feuilles de routes, des contrats… Et on a commencé à apprendre sur le tas.

J’ai beaucoup appris avec les entourages des groupes : Alex Monville, le producteur de Ceylon, le réseau de la Fracama pour Angle Mort & Clignotant etc. Plus récemment mes connaissances se sont solidifiées avec des formations comme “Entrepreneur du Spectacle” à l’IRMA et “Parcours d’Artiste” de Octopus.

 

Comment faites-vous pour jongler entre toutes ces activités ?

On passe beaucoup de temps dessus (rires). Plus une structure avance et plus ça devient compliqué de tout faire individuellement, dans son coin. On essaie de responsabiliser chaque membre de l’association, mais je pense qu’il est important d’avoir aussi des rôles clairs. Par exemple savoir qui sera responsable légalement face à une situation donnée.
Donc au-delà des franchises et des esthétiques musicales, on a un bureau qui réfléchit à la stabilité de l’association sur le long terme.

On a chacun des rôles, mais rien n’est gravé dans la roche et nous sommes prêt.e.s à tourner. Globalement depuis 2017, c’est à peu près le même bureau : Tristan, Léa, Tanguy, Eva et moi.

Au poste de responsabilité juridique et de décision finale dit “le/la président.e”, on tourne sur des cycles de deux ou trois ans. Léa, qui était la présidente de l’association de 2017 à 2020, a eu une direction de Fauchage qui n’était pas la même que la mienne entre 2014 et 2017. Et depuis Février 2020 c’est Tristan Numa qui officie dans ce rôle de responsabilité de l’asso. Cela permet de proposer des visions différentes et je trouve ça hyper important !

 

Et ça fait cinq ans que ça dure !

Cinq ans en effet : Fauchage Collectif a fêté son anniversaire le 31 janvier au Petit Bain : cinq ans, cinq mois, cinq jours (rires).