FEMMEDORM – GFOTY

Je ne sais pas si vous avez remarqué, aujourd’hui ce n’est plus comme avant. On ne sort plus des « albums » comme avant, on fait plutôt des vidéos sur YouTube ou sur TikTok, et on sort des singles et on fait des « EP » quand on a la flemme de faire plein de chansons surtout qu’on sait que de toute façon les jeunes ils arrivent plus à rester concentrés. C’est la faute des écrans ça, du coup ils vont pas tout écouter parce qu’ils savent que faire des playlist sur « Deezer ». Tout ça pour dire que c’est un peu compliqué pour quelqu’un de peu investi d’attribuer, comme il est d’usage, un numéro à l’album (car pour le coup c’en est un) FEMMEDORM de GFOTY (acronyme de Girlfriend Of The Year = la petite copine de l’année). GFOTV était-il vraiment un vrai album ? J’aurai envie de dire oui et que donc celui là est le deuxième. On part la dessus, et entre nous est-ce que ça change quelque-chose ? C’est bien ce qu’il me semblait.

Autrefois pilier du label PC Music, GFOTY a sauté de la barque lorsque AG Cook a commencé à produire Charli XCX et délaisser un peu les autres artistes du collectif (c’est ça de se rendre indispensable). Partant avec un peu d’amertume et encore beaucoup de choses à dire, elle a donc continué sa carrière en solo sans pour autant renoncer à son style plutôt hors piste. Et sur cet album en particulier on sent que GFOTY garde des affinités sinon relationnelles en tout cas musicales avec ses anciens amis. Coucou Hannah Diamond, coucou Kero Kero Bonito, avec en plus quand même la grosse prod un peu crado qui caractérise le travail de l’artiste.

 

GFOTY
@francesccardona

 

Il faut le dire tout de suite, GFOTY « is the real thing ». Tandis que certains peinent à étirer leurs idées encore et encore pour se construire un semblant de discographie monolithique et ennuyante comme fuck, GFOTY est un genre de salière (un genre j’ai dit, ça reste un être humain) dont jailliraient systématiquement des arc en ciel quand on la secoue. Il y a plus d’idées musicales dans un seul morceau de GFOTY que dans n’importe quel album de [un groupe qui passe sur FIP – je plaisante, c’est bon]. GFOTY dispose d’un instinct pour la mélodie à forte pénétration cérébrale qui ne semble pas connaître de limites (vous retrouverez chaque chanson de FEMMEDORM une nuit ou l’autre dans le tourbillons de pensées d’une de vos insomnies) et d’une efficacité qui ferait passer AC/DC pour un groupe de rock à guitare des années 70.

Dans ce nouvel album, GFOTY reste fidèle à elle-même. Une grosse tendance, un peu irrépressible, à vouloir faire des tubes, encore et encore, et une grosse tendance aussi à les saccager. D’une certaine manière c’est un peu le contrepied de GFOTV (c’est le précédent album, pas une faute de frappe) qui part d’un genre de blague – chaque piste est dédiée à une série télé – et qui se résume en une série de morceaux expérimentaux et un peu baclés,  desquels ressortent pourtant, presque sans faire exprès, des moments de pur bonheur harmonique. Dans FEMMEDORM au contraire, chaque morceau est pensé comme une machine à pop, puis savamment massacré, ici un pont bruitiste interminable, ici une production sans dessus dessous, ici un autotune foireux, pour être sur de ne jamais, jamais, passer à la radio. Même le tube parmi les tubes, Hard King – titre – est tout simplement chanté une fois à l’endroit et une fois à l’envers, c’est ça GFOTY, si tu peux chanter sur toute la chanson c’est triché. (malgré tout cela ne nous empêchera pas d’ajouter ce morceau à la playlist « pour danser – 00h – 02h » du nouvel an)

 

 

De ces pratiques cavalières, des doigts d’honneur en quelque sorte si je peux me permettre, et suffisamment jusqu’au boutiste pour devenir réellement courageuses, et pas seulement des méthodes artificielles pour faire genre « t’as vu j’me prend trop pas au sérieux en fait » résultent une réelle fraicheur – le moment pub tic tac de l’article – et on se dit qu’en fait c’est pas si compliqué d’être libre et de faire ce qu’on veut, et ça fait du bien de se dire ça quand on écoute de la musique parce que c’est PUTAIN DE RARE.

Quant aux textes, avec des thèmes allant du sexe à… ah non ça parle que de sexe en fait, oups ! C’est pas le twist de l’année vu la pochette, GFOTY ça parle pas mal de cul, avec une subtilité assez limitée on va pas se mentir. La vulgarité des paroles se mélange en parfaite cohérence avec celle de la production pour donner à tout l’album une énergie jubilatoire et libératrice, que vous ressentirez j’espère à 01h environ le premier janvier en criant à plein poumons :

We could go hard all night
Want to stay hard all night
Want to see me sweat boy
Getting super wet boy
Want to see you hard all night

Oui ça parle de dureté de la bite, oui c’est politique même en 2021, et oui c’est cool parce que la libération sexuelle de tout le monde, c’est loin d’être terminé, et que c’est courageux, même en 2021, quand on est une fille, de dire qu’on aime le sexe. (Quand on est un mec par contre c’est chiant, pour rappel.) Une autre preuve donc que GFOTY est une personne du futur, et si vous voulez faire partie du futur, écoutez FEMMEDORM qui est sans doute un des meilleurs albums de 2021.