Soko, enfermée dans un songe pour échapper à sa réalité

Soko, alias Stephanie Sokolinski, vient d’avoir la trentaine mais agit comme si elle en avait encore douze.

 

Soko, enfermée dans un songe pour échapper à sa réalité
© Mariann Vik

 

Tous ses gestes, ses réactions, ses émotions, sont comme ceux des enfants, amplifiés à l’extrême, ce qui rend parfois difficile de la comprendre et peut faire peur. Ca, Soko le sait. Elle est excentrique, et se contredit tout le temps. Mais peut être que c’est ce qui nous plaît au final chez elle ; ne jamais savoir comment elle réagira. Car nous pouvons lire dans Soko comme dans un livre ouvert, même si l’on ne sait finalement pas grand-chose d’elle.
Si Soko agit de la sorte, c’est probablement pour oublier un passé douloureux, qu’elle ne s’empêche d’ailleurs pas de cacher.

Soko, enfermée dans un songe pour échapper à sa réalité
© Soko

Ce n’est plus une nouvelle pour personne, elle perd son père très jeune, puis rapidement d’autres membres qui lui sont proches. Ces expériences, connues trop tôt, vont profondément la marquer, la déconnecter de toute réalité et déterminer ce qu’elle deviendra.
En 2012, après un EP en 2007, elle sort son premier album, très personnel sur le plan narratif ; une sorte de dépotoir pour se défaire de ses peines et les oublier.
Le titre, ‘I thought I was an alien’ est très significatif ; il décrit son sentiment de solitude, qui la suit partout. Car Soko sait qu’elle est différente des autres.
Le disque parle de son père, de sa solitude et ses peines de cœur. Elle semble évacuer tout ce qu’elle a à l’intérieur. Soko nous touche, par sa vision de la vie, le sens qu’elle donne aux choses, et par sa sincérité. Ce sentiment de déprime que l’on a quand on écoute l’album vient justement du fait de sentir qu’elle y donne tout. On pense notamment à cette voix sur Don’t you touch me, où l’on devine qu’elle est sur le point de pleurer. Sa voix est un peu hésitante, mais à la fois très sûre au niveau du refrain. On sent beaucoup de rage chez elle, et les sonorités folks de l’album font encore plus ressortir cette voix.
Quelques années passent, et l’artiste disparait. Elle finit par s’installer à Los Angeles, à la recherche du soleil (et du bonheur). C’est une période déterminante pour Soko, qui va révolutionner sa musique.
Le choix de ce déménagement, elle le justifie par le fait de se sentir trop différente du style de vie français. C’est aussi peut-être plus simplement une volonté d’échapper de nouveau à son passé, et à cet album qui la suit.
Car Soko le dit elle-même, cet album la déprime, et la fait pleurer à chaque fois qu’elle le joue sur scène. Soko n’est pas à l’aise ; sa tête est baissée, son dos courbé, et sa voix tremble à chaque fois qu’elle apparaît à l’écran (en interview ou en concert).
Avec cette nouvelle vie, l’artiste va radicalement se transformer : elle va laisser tomber ses cheveux noirs très longs, et opter pour un look punk à la Joan Jett, avec une coupe très courte.
Quand quelque chose ne lui plait pas, elle n’hésite plus à le faire savoir. Elle se moque des gens, n’écoutant qu’elle seule et vivant à cent à l’heure pour n’avoir jamais à s’ennuyer. Elle réfléchit peu, et agit sur des coups de têtes.
Soko change finalement complètement ; elle s’assume, affirme sa différence, et n’hésite plus à vous regarder droit dans les yeux.

 

Soko, enfermée dans un songe pour échapper à sa réalité
© LA Weekly

 

En mars dernier, elle sort son deuxième album ‘My dreams dictate my reality’, produit par Ross Robinson, où les textes sont encore très personnels, mais où l’on ressent plus de distance.
La nouvelle Soko nous apparaît aussi clairement : elle ne chante plus comme une enfant, sa voix est devenue très grave, et beaucoup plus rock.
On a envie de danser sur son disque et le son des guitares électriques semblent tout révéler de sa nouvelle vie ; on s’imagine pendant un instant, nous aussi, sous le soleil de Los Angeles.
L’ensemble se révèle plutôt punk (on reconnaît d’ailleurs les Cure par moment), et contraste radicalement avec le premier album. Il reste néanmoins tout aussi bon.
Elle a voulu faire cet album toute seule : des textes aux clips (comme l’excellent Lovetrap où elle se moque d’Ariel Pink), en passant par l’artwork de la pochette (fait de photos-montages).
Elle a aussi voulu le sortir de manière indépendante, ce qui explique le temps qui s’est écoulé entre sa réalisation et sa sortie. Pour le financer, elle va littéralement se « vendre » sur Pledge Music, proposant diverses activités à faire en sa compagnie, comme passer une journée à Disneyland, ou une soirée pyjama avec elle. Il s’avérait même possible de l’épouser pour la modique somme de 44 273 euros.
Cette métamorphose s’explique probablement par le fait que Soko en a eu marre de déprimer.
Elle dit souvent qu’elle a voulu s’éloigner de tout ce qui pouvait lui faire mal, pour tout recommencer. Il s’agit aussi de ça chez Soko : abandonner pour recommencer. Et là, on peut penser à l’ensemble des titres qu’elle a sorti avant son premier album, puis renié, les jugeant trop mauvais. Il est d’ailleurs assez difficile de les retrouver.
Aujourd’hui, Soko vit en plein « dans un monde de bisournous » et s’y plait, complètement déconnectée de la réalité. Finalement, Soko s’est créée un nouveau monde, qu’elle seule dirige et commande. Un monde qui élimine tout ce qui la dérange et ne lui plaît pas. C’est peut être pour cela qu’elle apparaît à la fois si proche et si distante. Soko vit dans ses rêves, jouant avec sa vie, et aussi avec nous, toujours à la recherche du bonheur.

 

Soko, enfermée dans un songe pour échapper à sa réalité
© Lorenzo Dalbosco