Periods : Interview

“C’est le bordel dans mon corps, j’envoie tout le monde dans le décor” commence le texte de Craquinette, l’un des deux titres de Periods.
Avec synthés et boites à rythme comme maîtres d’oeuvre principaux, les trois musiciennes bricolent et construisent des mélodies aux sonorités aussi simples que complexes. De Secoue-toi à Hater ou Frustration, les textes sont scandés en français, engagés ou non. Un trio trash et cash, qui fonce droit au but et s’inscrit dans la veine synth punk, aux côtés de Devo ou Suicide.
On a rencontré Dana, qui chante et joue dans le groupe, pour faire un tour d’horizon du projet.

 

Periods : Interview
Periods. De gauche à droite : Paola, Ophélie, Dana. © Raw Journey

 

Comment est né Periods ?

Avec Ophélie, l’autre claviériste, il y a un an et demi, en novembre 2017. Nous étions potes depuis un moment, on s’était rencontrées à Rennes. À l’époque j’organisais beaucoup de concerts, auxquels elle venait. J’avais d’ailleurs organisé le premier concert de son ancien groupe.
À un moment j’ai réalisé que j’en avais marre de faire jouer des groupes et que j’avais envie de jouer en fait (rires). J’étais frustrée de voir plein de concerts.
Je trouvais qu’Ophélie jouait hyper bien du synthé et j’avais envie qu’on monte un projet ensemble. On a commencé toutes les deux, nous répétions une fois par semaine et on composait des trucs. Très vite, les gens nous ont dit qu’il fallait qu’on se trouve un nom de scène. Je ne sais plus exactement comment c’est venu, mais un jour en répète on s’est dit « Allez, on s’appelle Periods », un peu comme ça.

Un mois avant notre premier concert, Paola, ma petite soeur, nous a rejoint à la basse. On s’est dit que ça pouvait être cool de rajouter un instrument aux synthés et boites à rythmes.

 

Le nom Periods, c’était donc pas forcément engagé au début ?

Non, pas du tout. Tout le monde pense que c’était réfléchi, mais en réalité on s’est juste dit que ça pouvait être marrant. Au moment où on écrit les textes de nos morceaux c’est pareil, on ne réfléchit pas vraiment aux sujets, on écrit de façon libre. On parle de nos vies, de nos potes, et on s’exprime librement.
Ça revient souvent qu’on ait une posture féministe, parce qu’évidemment on est féministes. Mais on fait surtout tout ça pour s’amuser. Ça fait aussi du bien d’ouvrir notre gueule, parce que bon… Pendant des années il fallait la fermer !

 

Comment est né le morceau Craquinette, alors ?

Nous avions deux morceaux en cours, mais il nous manquait un texte, et on devait enregistrer quelques jours après. Nous devions faire vite et comme on s’appelle Periods, nous avons simplement décidé de parler des règles ! On s’est posé dans un bar, on a picolé et on a lâché toutes ces phrases et nos ressentis par rapport aux règles. C’était vraiment pour rigoler.

 

Vous n’avez pas peur que les gens vous catégorisent un peu vite ?

Ça, c’est tout le temps ! Mais après on remet un peu les gens en place.
Quand on nous propose des dates, c’est souvent avec des groupes de meufs. Ça ne nous dérange pas, parce que c’est cool qu’il y ait plus de meufs dans le milieu dans la musique, mais après nous voudrions surtout être considérées comme des musiciennes et non pas des femmes qui font de la musique. On était vraiment contentes parce qu’en février nous sommes parties une semaine avec un groupe de mecs en tournée, Carambolage. On était juste considérées comme des musiciennes. Ce qui était cool, c’est que pendant la tournée on s’est rendu compte que les mecs étaient hyper sensibles à notre musique.
Bon, après, t’as toujours des gros connards qui vont te dire « Vous êtes des sales féministes, vous avez la haine contre les mecs ». Alors que pas du tout, au contraire (rires). On aimerait bien que tout aille bien.

 

Sur scène, justement, vous jouez en soutiens-gorge. Il y a une raison particulière ?

Pareil ça a été complètement spontané (rires). J’étais à un enterrement de vie de jeunes filles, on faisait la teuf entre meufs. Quand on est entre nous, on aime bien se mettre en t-shirt culotte et danser. Nous avons fini en soutifs et je me disais qu’on était tellement plus à l’aise comme ça !
Le lendemain je répétais avec Ophélie et je lui ai proposé qu’on se mette en culotte sur scène. Elle m’a dit : « Non pas en culotte, mais en soutifs je veux bien ».

Nous avons fait un premier concert comme ça, nous avions un peu peur, mais les gens étaient respectueux. On s’est senti tellement à l’aise et c’était tellement libérateur qu’on a décidé de continuer comme ça. La démarche est venue après en se disant que les mecs se mettent bien torses nus sur scène, et que c’est normal.
Il faudrait qu’on puisse le faire et que ça paraisse tout aussi normal sans avoir de commentaires du style : “Elles vendent leurs corps”. Il faut arrêter d’être pris comme des objets sexuels. C’est compliqué, t’as toujours des personnes qui font chier, mais nous on est à l’aise. J’ai plus envie de jouer autrement maintenant (rires).

 

Comment ça se passe au niveau de la composition ?

On compose souvent toute la partie instrumentale ensemble et c’est généralement moi qui écris les textes. C’est assez classique à dire mais ils viennent vraiment en fonction de ce que je veux ; il y a par exemple un morceau qui parle d’une rupture amoureuse.
J’écris en fonction de ce qui se passe dans ma vie, ou sur des situations que vivent des amis et que je trouve intéressantes.

 

Quand on vous écoute, les textes paraissent justement plutôt ouverts… Je pense à Craquinette ou Secoue-toi.

Les morceaux peuvent être interprétés de plusieurs façons, mais c’est souvent hyper personnel. À part le morceau sur les règles, Craquinette, qui est peut être plus ouvert. Secoue-toi, par exemple, ça parle d’une de mes amies.
C’est personnel mais après effectivement je pense que chacun peut s’approprier le morceau et l’interpréter à sa façon.

 

Periods : Interview
Periods @Supersonic © Emilie Mauger

 

Et quels ont été vos parcours musicaux ?

Paola a fait le Conservatoire. Elle a fait de la flute traversière, du piano, puis de la basse.
Ophélie, elle, elle a pris des cours de piano et après elle joué dans un groupe rennais, The Flashers, qui s’est arrêté. Ça fait un moment qu’on est toutes à fond dans la musique.
Pour ma part j’ai commencé le piano petite, j’en ai fait sept ans. À 13 ans, j’étais en pleine crise d’ado et je trouvais que le piano c’était pas assez rock. J’ai pris des cours de batterie pendant trois ans, jusqu’à ce que mon père me dise : « J’arrête de te payer des cours, maintenant tu montes ton groupe ». Mon père est à fond dans la musique donc j’ai eu un groupe avec lui et ses amis, pendant cinq ou six ans. On faisait plein de concerts dans des bars. Paola nous a rejoint quand elle a commencé à jouer de la basse, mais après je suis partie à Rennes donc ça s’est stoppé, et j’ai laissé de côté le piano.

À Rennes j’avais une pote qui avait un groupe, Marauder, et ils cherchaient quelqu’un au synthé. J’ai donc joué avec elle un temps et ça m’a vraiment réconcilié avec l’instrument. J’ai réalisé que le synthé pouvait être hyper vener, et pas seulement classique.
J’y suis revenue, et j’avais trop envie de monter un groupe de synth punk. Mais surtout d’avoir mon projet, et non pas juste jouer avec un groupe déjà existant.

 

Justement, quelles sont vos influences musicales ?

Les plus grosses c’est Suicide et Devo, même si c’est plus post punk. Nous sommes aussi très influencées par Deux, un groupe des années 80 de punk synthé, qui a sorti un ou deux albums.

Après on a beaucoup d’influences, Paola est moi on écoute beaucoup de hip hop.
Paola est pas trop dans le délire garage, mais plus hip hop, RnB. C’est bien parce que ça influence aussi vachement notre musique.
C’est hyper important d’écouter pleins de styles de musique, surtout quand tu en fais, pour ne pas trop s’enfermer.
Je pense que ça doit aussi s’entendre dans nos morceaux : certains sont veners, d’autres plus pop…

 

Periods : Interview

 

Le projet de Periods est vraiment né à Rennes. Comment vous vous situez par rapport à sa scène musicale ? Vous vous sentez influencées ?

Oui et non, parce que notre style reste assez différent. On traine beaucoup dans le milieu garage et nos potes ont des groupes plutôt de ce style, alors qu’on fait du punk synthé, ce qui est assez éloigné.
Nous restons influencés par eux et très vite nous avons été intégrées dans le milieu. À Rennes il n’y a pas de groupes de meufs, donc ils étaient contents d’en voir un, ça leur faisait plaisir.

 

Tu me parlais de votre tournée avec Carambolage, mais vous avez aussi fait la première partie de Hinds !

Oui ! L’agence Super nous a contacté car elle cherchait un groupe pour faire la première partie de Hinds au Trabendo. Nous étions trop contentes mais hyper paniquées, parce que nous n’étions pas prêtes à jouer dans ce type de salle (rires). Mais nous étions partantes. Dans l’idée, l’agence proposait plusieurs groupes à Hinds et le groupe faisait la sélection. Elles nous ont choisi donc c’était top mais on a réalisé qu’on ne pouvait pas jouer comme quand on arrive dans un bar. Nous avons chopé une journée de résidence à l’Antipode, une salle de Rennes et nous avons trouvé un pote ingé pour faire notre son.

Nous avons beaucoup appris avec lui pendant la résidence, parce qu’il ne connaissait pas trop le projet. Et le concert s’est super bien passé !
On a juste un peu regretté que ce concert arrive avant notre tournée. En tournée tu joues tous les soirs, donc tu progresses rapidement. Après la tournée, on a trouvé qu’un truc s’était débloqué pour nous et on était plus rodées. Mais le Trabendo ça restait une belle opportunité et jouer dans des conditions autres que celles des bars, c’était très agréable.
En terme de visibilité, ça permet de progresser aussi !

 

Pour l’instant vous avez deux morceaux de disponibles. Quels sont les projets pour la suite ?

Nous avons enregistré un album de 9 titres, qui sortira en Septembre sur le label parisien Doggo Agostino, un jeune label.
C’est super parce qu’on s’entend très bien avec eux. Je connaissais déjà un peu ce label avant, et j’aimais bien leur démarche. Je ne connaissais pas tous les groupes, que j’ai découvert au fur et à mesure, mais je sentais qu’on était tous un peu dans la même direction.

On va sortir des morceaux avant l’album, mais on attend encore un peu. Il faut aussi refaire des clips et on ne sait pas encore trop avec qui on va bosser. Le premier, Craquinette, nous l’avions fait nous-mêmes et là il y a plusieurs personnes qui veulent réaliser pour nous. Mais on verra, on prend notre temps.

 

Vous pensez rester toujours aussi indépendantes ?

Le label va nous aider pour la presse et la communication mais l’album on l’a enregistré avec un ami (Ndlr : Vincent Henri). Nous avons toujours enregistré nos morceaux avec des gens. Beaucoup de groupes font tout eux-mêmes mais on trouve plus intéressant de bosser avec des personnes qui sont extérieures au projet. Ça permet d’avoir un autre point de vue et d’évoluer, parce qu’à un moment tu n’as plus aucun recul.

 

Retrouvez Periods en concert le 9 avril à L’International, aux côtés de Genoux Vener, Carte Contact, Musique Chienne et Aja.