Mansfield TYA, Monument Ordinaire

Mansfield TYA est un groupe de musique composé de Carla Pallone et Julia Lanöe – plus connue sous le pseudo de Rebeka Warrior au sein du duo Sexy Sushi. Leur musique oscille entre minimalisme, punk, musique classique et chanson française.

 

Mansfield TYA, Monument Ordinaire


Dans un paysage musical francophone parfois un peu fadasse, le style de Mansfield TYA fait l’effet d’une brise fraîche balayant la tiédeur d’un parking de ZA un soir de septembre. Leurs explorations sonores, leur chant, l’écriture, les progressions harmoniques, tous les éléments du travail de Mansfield TYA révèlent une réelle volonté de tracer une route qui n’en croisera pas d’autres, ou alors furtivement, juste le temps d’un petit carrefour de campagne (une campagne pluvieuse évidemment). Et même si on pourrait parfois leur reprocher une certaine inégalité au sein de leurs albums, voire même de leurs morceaux, on y trouve toujours des pépites à mettre dans son sac, et on ne peut que respecter l’œuvre de Mansfield TYA.

Monument Ordinaire marque le retour après 6 ans d’absence du duo Nantais. Spoiler immédiat : ce n’est pas un pavé dans la marre. Mansfield TYA fait du Mansfield TYA. Tant mieux quelque-part, on est un peu là pour ça, pour ces suites d’accords baroques et mélancoliques, ces textes tord-boyaux, ces airs lancinants, ces bangers dépressifs, appels aussi bien à la fête qu’à se tirer une balle (littéralement une fête sans lendemain donc). On y retrouvera tout ça, et c’est pour ça qu’on va l’aimer comme les autres, et que Mansfield TYA va garder sa place dans nos petits cœurs d’éternels adolescents, avec leur nihilisme poétique.

L’album commence plutôt bien avec un quatuor de tête convaincant. Ni morte ni connue rappelle un peu Bleu Lagon, certes en un peu moins catchy et brillant, mais le combo gros beat / ambiance de mort pour une dernière danse avant la fin du monde fonctionne toujours bien. Auf Wiedersehen – dont le très joli clip avait teasé la sortie de l’album – et Tempête, sont des très bons morceaux, à l’ambiance lancinante et désabusée, sans surprise très bien maîtrisée par le groupe.

 

 

Pour la suite de l’album comme pour certaines soirées, le vrai problème, c’est les garçons. On peut comprendre l’envie de faire un feat. avec la légende qu’est le chanteur des Béru, surtout qu’il leur a filé leur célèbre boite à rythme (cf. la série de très jolis courts métrages sortis il y a quelques temps qui racontent l’histoire des morceaux et qui valent le coup d’oeil) donc c’était la moindre des choses. Séduisant sur le papier, le résultat n’est pas vraiment à la hauteur. Fanxoa a du mal à se dépêtrer d’un texte qui n’a clairement pas été écrit ni par lui ni pour lui, et qu’il récite avec une intensité et une émotion complètement à côté de la plaque. Dommage car à part ça le morceau est plutôt bon et aurait pu faire (fera d’ailleurs pour les moins sévères) un deuxième titre à dancefloor sur l’album. Quant aux morceaux avec Odezenne, son écriture après celle de Mansfield TYA provoque un contraste qui parle de lui-même. On n’est pas là pour ça.

En dehors de ça, la suite de l’album est très correcte même si un peu en dessous des morceaux d’ouverture. On aura une attention particulière pour Le Parfum Des Vautours, dont le parfum, justement, évoque celui de la belle époque. On y retrouve cette façon qu’a le duo d’écrire des paroles qu’on ne comprend pas tout à fait, mais qui pourtant, sans savoir pourquoi, résonnent à l’intérieur de nous et de notre mémoire. On ne l’aurait pas dit comme ça mais pourtant c’est bien notre histoire qui est racontée, c’est sûr.

 

Mansfield TYA, Monument Ordinaire
Artwork de l’album Monument Ordinaire.

 

Pour conclure, l’album n’a pas de titres aussi puissants émotionnellement que ses prédécesseurs, un de ces morceau à faire pleurer les cailloux comme Logic Coco ou Je ne rêve plus et qui étaient nombreux dans NYX ou Seules au bout de 23 secondes. Leur dernier album Corpo Inferno avait encore pour lui l’excellent Bleu Lagon. Dans Monument Ordinaire, même si on les frôle parfois, qu’il ne manque presque rien, on ne retrouve pas l’intensité de ces instants de grâces. Malgré tout, dans l’absolu, et si on arrête un instant de comparer ce qui est avec ce qui a été, c’est un album avec beaucoup de beauté, beaucoup de qualités, et qu’il faut écouter à l’instar de toute la discographie du groupe. D’autre part, on est évidemment très heureux de voir Mansfield TYA revenir sur le devant de la scène (une série de concerts est prévue pour 2021, croisons les doigts) et on attend encore, avec impatience, beaucoup de choses des deux compositrices.