Kid Francescoli : Interview

Kid Francescoli est le projet de Mathieu Hocine, artiste marseillais, qui a récemment signé chez Yotanka records.
À l’origine, en 2010, il s’agissait d’un groupe composé de quatre membres.
Puis Mathieu sort seul en 2012 un deuxième album, accompagné de Laetita Abello qui lui prête sa voix.

 

Kid Francescoli : Interview
© Daren Smith

 

En 2014, ‘With Julia’ paraît, album à nouveau entouré d’une présence féminine, la voix de Julia Minkin. Il se veut le récit d’une histoire, son voyage à New York et cette rencontre, qui s’est révélée inspirante.
On ne peine pas, en effet, à imaginer cette histoire qui évolue au fil des chansons, entre les rythmes pop, électroniques des synthés, et les voix entremêlées des deux artistes. La musique de Kid Francescoli fait penser à une bande son, par ces multiples images et couleurs qui viennent en tête quand on l’écoute, chaque morceau paraissant étroitement lié.
C’est aussi sans doute parce que cette histoire contée est complète: il y a par exemple Italia 80, une balade assez mélancolique et onirique, qui nous plonge dans un monde imaginaire. Puis des mélodies répétitives, comme dans I Don’t Know How, qui nous rentrent facilement en tête, et participent à nous faire entrer dans le monde de Kid Francescoli.
Il y a également une grande part romantique, plus ou moins présente au cœur des morceaux, dans Blow UpMy Baby ou encore Mr. Know It All. Et d’autres, comme Disco Queen ou Prince Vince, qui nous font danser.
Les clips vidéos (de Blow Up, Does She) fonctionnent d’ailleurs aussi toujours comme un récit, entre fiction et réalité, dévoilant un peu plus cet univers.
Cet album, c’est une histoire dans laquelle on se sent proche, qui nous amène à rêver, nous donne envie d’aimer, et que l’on ne se lasse aussi jamais d’écouter.

 

Ton album ‘With Julia’ est sorti l’année dernière. Contrairement aux autres, tu l’as enregistré accompagné de Julia Minkin. Est-ce que tu avais déjà ce projet, cet album en tête, avant de la rencontrer ?

Non parce que entre les deux albums, je suis parti à New York. J’y étais déjà allé plusieurs fois, et je me suis dit qu’il fallait que j’y retourne, et que j’y reste plus, pour explorer la ville.
En plus entre deux albums on est à la recherche d’expériences, qui ne sont pas forcément musicales. Je voulais vivre de nouvelles choses, pour être inspiré. Je suis tombé sur Julia à ce moment, et c’est là que l’idée est venue. On a commencé à faire de la musique ensemble, parce que on a eu pas mal de chansons.

 

Pourquoi avoir choisi de le faire avec elle ? Tu peux nous parler de cette rencontre ?

On a commencé à faire de la musique ensemble, et au début j’étais un peu estomaqué par sa voix. Elle avait écrit une chanson, My Baby, et elle avait juste les paroles, il manquait les arrangements. J’ai voulu l’aider et finalement on a continué, parce que je me suis rendu compte qu’on pouvait faire beaucoup de choses ensemble. À partir de là on a commencé à faire Disco Queen. C’est devenu évident après pour moi de faire l’album, parce que j’adorais sa voix et s’est devenu une source d’inspiration.

 

Kid Francescoli : Interview
© Dan Azzopardi

 

Il me semble que tu utilises principalement des synthés sur tes albums. Tu peux nous parler de ta manière de travailler ?

Techniquement, j’utilise beaucoup de synthés car j’aime bien ça, plus que des guitares. J’essaie d’aller au studio tous les jours, et j’enregistre un peu au hasard ce qui me passe par la tête ; j’enregistre des choses, puis ça fait des boucles, qui n’ont pas de liens les uns avec les autres. Avec une boucle on peut imaginer l’avant et l’après, et c’est de là que vient la composition. On part de quelque chose qui n’était pas vraiment une chanson, pour en faire une chanson justement. Les synthés, le son analogique, sont toujours plus inspirant pour moi que de jouer de la guitare, ou de la batterie, par exemple.
J’aime bien les synthés, car une atmosphère se dégage dès qu’on joue avec. J’ai l’impression qu’il y a des univers, des petits mondes qui prennent formes dans ma tête quand je joue de ces synthés.
Pour le prochain album je me suis aussi beaucoup concentré sur les basses, car j’ai remarqué que c’est quelque chose qui m’attirais sur les derniers albums que j’ai écouté, et j’essaie de les soigner le plus possible pour la suite.

 

Quel a été ton parcours musical ?

J’ai fait les deux premiers albums. J’ai d’abord sorti tout seul deux titres, et un label a voulu sortir le premier album. Puis j’ai continué à faire de la musique, je faisais quelques concerts, mais à côté de ça j’avais un travail, j’étais ingénieur de son.
Depuis le dernier album, la rencontre d’artistes marseillais tel que Husbands, Oh! Tiger Mountain, fait qu’on s’est tous professionnalisé et aujourd’hui on a un studio. Ça s’est fait entre le deuxième et le troisième album. Maintenant je suis musicien professionnel, et ça s’est surtout fait avec le troisième album.

 

Je sais qu’à l’origine, Kid Francescoli était un groupe de quatre personnes. Puis tu as travaillé avec Laetitia Abello, et aujourd’hui avec Julia Minkin. C’est un choix de vouloir collaborer avec des artistes ?

J’aime beaucoup les collaborations et savoir ce à quoi les personnes peuvent t’amener. Après je considère que ça reste ma musique car c’est moi qui décide de tout, mais j’aime aussi beaucoup faire écouter ma musique, et faire participer d’autres personnes, pas pour forcément transformer ça en collaboration, mais plus pour m’approprier l’inspiration que peuvent avoir certaines personnes sur des morceaux, et jouer avec cela. C’est quelque chose auquel je suis très attaché, car je ne me vois pas composer un album tout seul, sans aucune collaboration sur l’écriture, la production.

 

Comment as-tu travaillé sur le dernier album, avec Julia Minkin ? Est-ce que vous écriviez et composiez ensemble ?

Il y a eu beaucoup de façons différentes de le faire. J’étais à Marseille, elle à New York ou Chicago, du coup on enregistrait ensemble, ou on s’envoyait notre travail par internet ; je lui envoyais des maquettes, et elle des enregistrements de sa voix. J’ai fait l’album, mais parfois elle suggérait des suites d’accords, ou bien je lui suggérais des voix. Mais pour faire simple, elle chante et moi je fais la musique.

 

En live tu utilises tes synthés, mais tu es aussi accompagné de Julia et d’un batteur. C’était une volonté de pouvoir aussi jouer l’album ?

En studio, j’essaie toujours de faire le meilleur son sans pour autant penser à l’adapter au live. Le live est complètement différent ; il n’y a plus vraiment d’oreilles, donc on peut l’adapter comme on veut.
Par contre, je voulais vraiment faire des concerts, et des tournées, dès le début.

 

Kid Francescoli : Interview
© Olivier Metzger

 

L’ensemble sonne un peu comme une BO. Je crois même avoir entendu que tu étais influencé par Ennio Morricone. Est-ce que les compositeurs de cinéma sont une référence pour ton travail ?

Carrément. J’aime beaucoup les musiques de films et les compositeurs de films, comme John Barry, John Carpenter, ou Ennio Morricone. Mais je découvre beaucoup de morceaux dans des films, comme par exemple les BO de Tarantino, qui sont des super compils de chansons. Il y a aussi celle de ‘Virgin Suicides’, que j’ai beaucoup aimé, et ça reste mon album préféré de Air. Ce que j’aime beaucoup avec la musique, c’est quand elle t’amène des images à l’esprit et avec les musiques de film, c’est toujours très fort, c’est fait pour. Il y a quelque chose avec les musiques de films. C’est très inspirant car ça amène beaucoup d’images à l’esprit, sans forcément avoir vu le film.

 

On peut aussi entendre, dans ‘With Julia’, un de tes anciens morceaux, Boom Boom, que tu as repris et retravaillé. Est-ce que tu peux nous expliquer ce choix ?

Parce que j’avais un morceau qui y ressemblait un peu et je voulais le jouer d’une manière un peu différente. J’ai sorti le deuxième album un peu seul. Il n’est jamais vraiment sorti et je voulais rendre hommage à quelques un de ces morceaux, Boom Boom et Clasico/Belmondo. Je voulais vraiment le ressortir et l’adapter à ce truc un peu RnB qu’il est devenu, car j’ai découvert ça assez récemment. Si j’avais découvert cette musique auparavant, j’aurais pu le faire de cette façon.

 

Je me souviens que pour le Crossover festival tu avais proposé une mixtape très éclectique.
Est-ce que c’est parce que tes influences musicales le sont ?

Oui c’est éclectique, mais après je considère que l’on peut tout mettre sous le nom de pop. Le rap de Kendrick Lamar, ou les Strokes, finalement c’est souvent les mêmes structures : un morceau de trois minutes, avec un refrain. On peut écouter ça ensemble.
Ce que j’aime beaucoup c’est le « hit single » pop, que ce soit Lana Del Rey, les Strokes, Kendrick Lamar … C’est éclectique, mais dans un certain cadre.
Il m’arrive aussi d’écouter du jazz ou de la musique classique, mais pas de la même manière, je l’entends, mais je n’y prête pas la même attention. Alors que les morceaux que tu considères comme éclectique, je les écoute plus que je les entends.

 

Tu as déjà des projets pour la suite ? En solo ou de nouveau accompagné ?

Je travaille sur un album. Pour l’instant Julia est à Marseille, donc on continue à travailler ensemble. Je suis toujours au stade des boucles. Je fais un mélange de tout ça pour l’instant.

 

Tes trois morceaux coups de cœur ?

La femme d’argent, Air
Paris Summer, Lee Hazlewood & Nancy Sinatra
Award Tour, A tribe called quest

 

Et de l’année ?

King Kunta, Kendrick Lamar
Abrasive, Ratatat
Salvatore, Lana del Rey