Mourn : Interview du tac au tac

Mourn, c’est la fraîcheur et l’énergie d’un groupe qui va à 100 à l’heure. C’est l’angoisse et le violent spleen d’un rock sombre et métallique. C’est deux albums sortis depuis 2015 sur Captured Tracks à l’international, label de Mac de Marco notamment, aussi efficaces et incendiaires l’un que l’autre. Ce sont des concerts complets outre-manche et outre-atlantique. C’est Barcelone qui se réveille et se prend pour Londres. C’est quatre jeunes gens catalans qui mettent un grand coup de pied dans la scène indé européenne, guitares acérées et mélodies scandées dans l’urgence. Empêtrés dans de complexes problèmes légaux avec leur label en Espagne, Sones, qui les bloquait littéralement, ils n’ont pu sortir « Ha, Ha, He », leur second album, qu’en juin dernier et commencer à tourner que maintenant. A peine 20 ans et déjà la marque et l’expérience des grands pour Jazz, Carla, Leia et Antonio.
Entretien en marge de leur venue au Arte concert festival, le 6 avril à la Gaîté Lyrique, Paris.

 

Mourn : Interview du tac au tac
Gaîté lyrique, 6/04/2017, Jazz, Leia et Carla

 

Bonjour Jazz, Carla, Leia et Antonio !
Premières impressions des concerts en dehors d’Espagne pour le second album ?

On a eu de très bonnes impressions de ces premiers concerts en dehors d’Espagne ! Les 3 dates (Paris, Bruxelles, Rotterdam, ndlr) étaient complètes, on n’espérait pas une telle réception. On est vraiment très contents, ça s’est super bien passé et en plus on s’est bien occupé de nous!

 

Comment ça va après tous ces problèmes légaux pour « Ha, Ha, He » que vous avez eu avec Sones ?

Pour dire la vérité, maintenant, on est plus unis que jamais parce qu’on a vécu beaucoup de choses ensemble. La seule chose qu’on veut à l’heure actuelle, c’est de continuer à jouer et d’oublier tout ça. Il faut aller de l’avant !

 

Mourn : Interview du tac au tac
Pochette de “Ha, Ha, He”, Captured Tracks

 

Qu’est-ce qu’il s’est passé exactement ?

On ne peut pas vraiment l’expliquer en détail, le procès a eu lieu la semaine dernière (la semaine du 3 avril, ndlr) et on ne connaît pas encore le résultat de la sentence. Du coup on préfère ne rien dire jusqu’à ce que tout soit bien résolu…

 

Vous pensez que cette épreuve peut vous faire grandir ?

Complètement ! On a beaucoup grandi. Ça nous a fait nous rendre compte que dans ce monde et ce milieu, il n’y a pas que des bons moments et qu’il peut se passer n’importe quoi. C’est important d’être fort, de voir les choses avec perspective, et puis de savoir chercher des solutions !

 

Revenons à la musique ! Comment vous définiriez votre second album ? La continuité du premier ou autre chose ?

D’un côté, ce sont deux « mouvements » différents. Mais ils ont l’énergie et l’immédiateté en commun. On les a tous les deux enregistrés de la même manière : en live et en peu de jours. Musicalement, ils empruntent des chemins différents, mais ils restent quand même très unis.

 

J’ai l’impression qu’il y a un sentiment d’urgence, de pression, surtout sur des supers morceaux qui durent à peine 2 minutes comme Irrational Friend ou President Bullshit. C’est quelque chose que vous vouliez faire ressortir ?

Oui, et justement, quand on a écrit ces chansons, on était dans cet état d’esprit. Ça nous fait plaisir que tu y aies réfléchi !
Ça s’écoute ici

 

Mourn : interview du tac au tac
De gauche à droite : Carla, Jazz, Antonio et Leia. Crédit : Berta Pfirsich et Tomeu Mulet

 

Et sinon, c’est quoi qui ressort de cet album pour vous ?

On se dit souvent que cet album c’est un peu comme un journal personnel, intime, des expériences qu’on a vécues depuis 2015. Après, chaque chanson a sa propre ambiance et personnalité. Certaines partagent bien des sentiments, mais les expériences qu’elles racontent sont différentes.

 

Comment vous écrivez les chansons en général, pour les paroles et la composition ?

Normalement, Jazz (l’une des deux chanteuses, ndlr), écrit les paroles et fait un premier jet, un premier brouillon, de la chanson. Après, on se réunit tous dans notre local, là où on teste un peu tout, et chacun apporte sa vision, puis sa partie instrumentale. Tant et si bien que souvent ça part en improvisation et on finit par tomber sur une chanson !
Et parfois, on (Carla, l’autre chanteuse, ndlr) se réunit avec Jazz pour partager nos idées de textes et de mélodies.

 

D’où vient l’inspiration pour les textes ? Et vous pensez que c’est quoi le plus important : le style ou le contenu ?

On pense que l’inspiration peut venir de n’importe quoi : une expérience, une personne, même un objet. En fait tu peux parler de ce que tu veux tant que la manière de le faire te plaît. Dans ce domaine là, on s’est habitué à ne plus nous mettre de barrières. Et au final, le plus important, c’est le sentiment qui s’en dégage.
Voilà le résultat

 

Qu’est-ce qui a changé depuis le premier album pour la vie du groupe ?

Maintenant on se connaît beaucoup mieux et on est plus familiers avec nos instruments. On peut dire qu’on joue mieux aussi, et surtout on est beaucoup plus à l’aise sur scène !


Et au fait, je me demandais si vous étiez pas souvent catalogués comme « le groupe de très jeunes espagnols qui joue du rock !! » ou un truc comme ça, un peu réducteur…

En Espagne, c’est clair qu’on est catalogués comme ça ! « Les petits jeunes qui font du rock/punk ». Ça nous contrarie un peu… Mais on a été surpris, car en dehors d’Espagne, il n’y a pas vraiment cette vision là. Ou tout du moins pas tout le temps. On a lu des supers critiques sur nous, par rapport à la musique et sans que l’on parle de notre âge.

 

C’est pas un peu chiant ce genre de « classement » ?

C’est tellement chiant… Parfois, à force, ça nous arrive de nous énerver, mais bon on est comme ça (rires) ! Sérieux, vous avez rien d’autre à dire ?

 

Mourn : interview du tac au tac
© Noemi Elias

 

Vous en pensez quoi de la scène musicale espagnole à l’heure actuelle ? Avec Hardies on a écouté pas mal de trucs dernièrement, en électro mais aussi en rock, Hinds et The Parrots par exemple, et on parlait déjà de vous

La scène espagnole est super active en ce moment, elle grandit petit à petit. Chaque fois on voit des nouveaux gens qui se bougent pour monter un groupe, et essayer de faire partager leur musique au plus grand nombre. Tout ça nous rend heureux !


Et à Barcelone en particulier ?

C’est pareil, il y a plein de nouveaux groupes. Après, on est pas spécialement fixé sur la scène de Barcelone. Mais ça nous plaît vraiment de découvrir de nouveaux artistes et de voir ce qu’ils proposent.

 

Dans l’industrie musicale, pour votre premier album, c’était une bonne chose d’être aussi jeunes ?

Dans un premier temps, ça surprend les gens, et puis petit à petit tout le monde a quelque chose à te dire. Les personnes autour de nous faisaient les choses à notre place sans que l’on ait rien demandé… On voulait nous aider pour la backline, pour régler et égaliser les amplis… comme s’ils pensaient qu’on était trop jeunes ou trop faibles pour le faire nous-même ! Mais au final, quand on commençait à jouer, ils s’apercevaient qu’on savait ce qu’on faisait.

 

Vous avez décidé de chanter à deux voix, Carla et Jazz, depuis le début ?

Oui, depuis le début on voulait deux voix principales, et on adore chanter à l’unisson !

 

C’est quoi vos plus grosses inspirations au final ?

Principalement Joe Strummer et Kristin Herch.

 

Et pour finir, vous pourriez faire un top 3 musical, chacun ? Ce que vous écoutez beaucoup en ce moment quoi !

Leia : Sunny Day Real Estate, Sticky Fingers, The New Raemon & McEnroe

Jazz : Chris Bell, dEUS, Throwing Muses

Carla : Sibylle Baier, Portishead, The Specials

Antonio : Fleet Foxes, Eminem, Interpol