Reymour : Interview

Fusion quasi mystique de deux amateur.ice.s de caves et de sonorités 80’s, c’est à Fribourg en Suisse que le duo Reymour s’est formé. Aujourd’hui à Bruxelles, iels viennent de terminer un album plein d’étrangetés, un mix de mélancolie et de synth-wave, l’amour en plus : Leviosa.
Intrigués par ce groupe inclassable, nous avons ouvert notre plus joli salon Zoom et sommes partis à la rencontre des mystères de Reymour…  Au programme, synthés, mobilité créatrice et mythe ancien…
Yo Reymour !

 

Reymour : Interview

 

Comment est né ce projet de Reymour ?

Luc : C’est compliqué (rires). Au départ on était potes, on se connaissait depuis des années, et puis on a décidé de faire ce projet assez rapidement. On savait qu’on avait une sensibilité musicale commune. D’entrée c’était très clair avec Lou, on partageait une vision de la création, ça nous a bien aidé ! Un mois après qu’on se soit mis ensemble, on est allé dans mon local où on a composé. 

On a rapidement envoyé nos sons à des copains, et notamment à Louis Bataille (Lowbat) qui habitait Berlin ; c’est comme ça et en grande partie grâce à lui qu’on a pu sortir notre première cassette.

 

Vous pourriez expliquer l’origine de « Reymour »  ? Est-ce qu’un mix entre Khey et amour c’est une piste exploitable ?

Lou : (rires) C’est cool de laisser le doute planer. C’est une histoire dans un bar à Berlin… ça reste notre petit secret. Mais c’est vrai que le mot amour ressort assez vite en général puisque ça colle bien avec le projet et nous.

 

Est-ce que vous avez tous les deux vécus d’autres aventures musicales avant ?

Luc : Comme je suis plus âgé j’ai eu plus de temps pour prendre part à différents projets. Donc pour ma part, j’ai notamment joué dans le groupe Pandour. Avec cette expérience j’ai appris plein de trucs. C’était un projet inspiré de musiques du monde (africaine, orientale..), mêlées à des trucs plus dansants. Ça a été l’occasion de faire de supers concerts (première partie de Acid Arab, les Transmusicales) avec un groupe que j’adorais car on était vraiment une famille ! Ce projet a aussi été l’occasion d’acheter du matériel.
Après, musicalement je trouvais que ça manquait de singularité comparé au projet de Reymour, qui est un projet beaucoup plus personnel qui se traduit par la présence de textes et de la voix de Lou.

Lou : J’avais déjà essayé de faire du son avec un autre gars mais ça marchait pas du tout. Contrairement à Luc je ne suis pas allé au conservatoire, je n’ai jamais appris d’instruments, c’est plus qu’on avait ce truc, cet amour de la même musique. Et comme on était dans la même petite ville on s’est vite repérés et on s‘est dit que ça pourrait faire quelque chose de cool. Luc m’a donné confiance sur le fait que je pouvais faire de la musique, c’est comme ça que ça s’est construit.

Luc : C’est important de noter que Lou prend totalement part à la création musicale, qu’elle n’est pas juste là comme une voix ou pour écrire les textes, elle apporte aussi des aspects naïfs à la composition, des accords au synthé qui ne me viendraient pas à moi avec ma formation classique. 

Lou : On fait tout ensemble, l’édit, les découpes… Par exemple, j’ai une idée, il me faut une basse comme ça, Luc saura la faire. En fait c’est vraiment une question de communication. 

Luc : Même si c’est pas toujours facile (rires)

 

Le 1er février vous avez sorti votre nouvel album Leviosa (avec le label Knekelhuis), est-ce que vous pourriez me parler de sa composition ? Leviosa est-ce que ça veut dire qu’il y a de la magie dedans ? 

Luc et Lou : Bah un peu j’imagine, ça vient un peu de Harry Potter (rires), l’idée de lévitation, un truc beaucoup plus onirique que ce qu’on a fait avant, le fait de se laisser porter par le rêve…

Lou : Et pour la composition avec Luc, ça varie tout le temps. Des fois Luc va proposer une base, on va au local pendant 5h, on picole un peu, et on va taffer toute la night (rires)

Luc : C’est vrai qu’on aime bien être un peu désinhibés pour oser se lancer.

Lou : Le fait d’être désinhibé ça te connecte plus à tes ressentis, ça t’amène plus à faire tout ce que tu aimerais faire. Parce qu’après il y a un truc professionnel, et un questionnement omniprésent, comment ça doit sonner, comment orienter la composition… Parce que d’habitude tu te laisses pas mal influencer par ce qui sort, par des sonorités, nous on souhaite aussi se détacher de cette pression là, c’est vraiment une manière de se recentrer sur nos ressentis.

 

Dans vos sons, on semble entendre des inspirations qui semblent passer aussi bien par les 80’s des Rita Mitsouko que par de la pop electro plus actuelle comme La Femme ou Agar Agar. C’est représentatif de vos inspirations ? 

Lou : Eh bien pas du tout ! (rires)
Peut-être les Rita Mitsuko si. En fait on nous a déjà dit ça, surtout sur la Femme, la manière de poser la voix tout ça, mais vraiment c’est pas des groupes auxquels on avait pensé. 

Luc : La Femme personnellement j’adore mais j’ai jamais pris vraiment le temps d’apprécier leur musique donc non c’est pas trop une inspiration. Après évidemment toute cette scène synth-pop a pu nous inspirer, par exemple Facit ou Ventre de biche. Au niveau du choix des sonorités c’est quelque chose qu’on recherchait. De Ambassade ou Eye sont des groupes du label qu’on a beaucoup écouté et qui nous ont forcément aussi influencé.
Au final sortir quelque chose sur ce label, c’était vraiment trop cool parce qu’on connaissait déjà les artistes, on aimait vraiment leur musique, donc c’était gratifiant de les rejoindre.

Lou : En fait on adore chercher des sons, on écoute un peu des trucs à l’inverse du mainstream c’est vrai. C’est aussi dû au fait qu’on mix, on aime gratter les petits trucs. C’est un peu notre job aussi, comprendre la musique aujourd’hui. On s’est beaucoup ouvert musicalement ces dernières années, mais on ne renie pas non plus le mainstream ou la « pure pop » , personnellement par exemple je suis une grande fan de Lana Del Rey (rires).

 

 

Pourriez-vous m’expliquer le son Daya ?

Lou : À la base j’avais écris ce texte parce que cet été une copine m’avait parlé d’un livre de mythes et légendes dans lequel j’ai découvert l’histoire de Lilith. Lilith c’est la première femme sur Terre avant la naissance de Eve, qui aurait été modelé par le même argile qui composait Adam. En gros elle a refusé de se soumettre à Adam et d’être là juste pour enfanter à ses ordres. Elle a donc été répudiée par Dieu. Et c’est en voulant mettre fin à ses jours qu’elle rencontre Azrael (le diable) de qui elle tombe amoureuse. C’est ainsi qu’elle finit par devenir reine des enfers, et que depuis les années 70 elle incarne une des premières icônes féministes, une femme forte qui refuse de se soumettre à un homme.

Donc finalement « Daya », c’était histoire de ne pas donner le nom Lilith qu’on entend un peu partout en ce moment, et c’est aussi un hommage à une de mes meilleures potes qu’on a rencontré à Bruxelles.

 

Votre musique semble venir d’ailleurs, presque d’une autre temporalité donc je me demande, comment composez-vous, dans une cave coupée du monde ou plutôt un jardin calme avec le passage des oiseaux qui volent au ralenti ?

Luc et Lou : (rires) On se rapproche clairement plus de la cave. Ça n’a jamais été très simple au niveau des espaces. En fait on a pas mal déménagé, donc on a dû s’organiser. L’album on l’a composé dans pas mal d’endroits différents, dans notre appart, puis à droite à gauche entre Fribourg, Berlin et Bruxelles.
Finalement on a eu de la chance parce que l’année dernière pendant le corona on a pu profiter d’un espace dans une galerie d’art à Fribourg, donc une vraie opportunité pour taffer l’album qu’on a finalement terminé dans le local à Bruxelles.

Luc :  En fait on est plutôt caves, aussi parce que notre setup est plutôt léger, c’est surtout des synthés des années 80’ et des boîtes à rythmes. C’est l’avantage que notre composition soit un mix entre digital et analogique, ça nous permet une vraie mobilité.
Autant la partie enregistrement c’est important qu’on soit au local mais pour le reste comme l’arrangement, on peut retoucher des trucs avec l’ordi peu importe où on se trouve. Mais parfois c’est bien aussi ces contraintes, le matos qui varie nous oblige à nous adapter à créer autrement selon les machines avec lesquelles on compose par exemple.

 

Qui sont Boris & Marcel ?

Luc : Je ne sais pas, Marcel c’est mon grand père et Boris je ne sais pas (rires).

Lou : Boris c’est un nom qui allait bien avec Marcel. En fait, ce sont deux bons vieux potes qui vont au bar…

Luc : En fait je crois que pour ce titre on n’avait pas vraiment de paroles, donc voilà ce que ça peut donner, c’est assez drôle.

 

Pouvez vous me parler de votre passion pour les Penrose Pickeled Sausages, et donc un peu de l’histoire de la couverture de votre album ?

Lou : En fait moi et Luc on est des bons collectionneurs de plein d’objets de toute sorte comme des animaux sous verre, des petits dinosaures en plastique, des cuillères en coquillage ou encore un emballage de saucisses ramené des Etats Unis par un ami.

On souhaitait que cette pochette reflète cet ensemble de babioles qui nous représente bien, et pour ça on a fait confiance à Lucie Bataille, une amie, qui est venue chez nous, a choisi les objets et en a fait le visuel avec son ami Sébastien Biniec. Et pour l’emballage de saucisses, j’avoue que je ne m’attendais pas à ce qu’elle le choisisse (rires)

 

 

Dans l’album, il y a un son que vous interprétez avec LowBat qui s’intitule Dans l’Oregon, est-ce que l’enfermement qu’on subit tous et toutes depuis un an y est pour quelque chose dans l’évocation de ce pays lointain ? 

Pas forcément. C’est plus qu’au moment où on faisait cette traque il y avait des incendies dans l’Orégon et du coup c’est de ça que ça parle : « on prend nos alarmes, on sonne et on crame », ça relate ça. 

 

Et donc le covid a-t-il fait évoluer votre manière de composer ?

Lou : Le covid ça a été plus dur qu’autre chose car tu ne peux plus t’inspirer de ton quotidien parce que tout est arrêté, les concerts, ce qui t’as touché, t’a transcendé,  ce que tu vis… Du coup on s’est retrouvé à devoir chercher l’inspiration ailleurs, on se faisait comme des images pour composer. C’était pas toujours facile, et d’ailleurs ça se ressent peut-être dans l’album.

Luc : Les autres fois qu’on a fait de la musique on avait pas cette même pression aussi car c’était la première fois qu’on savait qu’on devait rendre quelque chose, qu’on avait une deadline donnée par le label, tout ça crée un stress. Je préfère presque ne pas savoir où ça va sortir et me concentrer au maximum sur un projet sans me laisser influencer par ce que ces contraintes peuvent engendrer. Après je suis quand même super content que ça se soit passé comme ça pour cette fois!

Lou : Tu dois être à la hauteur, une pression en plus, mais en même temps c’est un challenge qui te pousse à faire autrement .

 

Quel rapport entretenez-vous à la création artistique ? Par exemple Lou, est-ce que ton projet Vjing Gladisse rejoint Reymour ?

Lou : J’adore collaborer avec plein de gens, fédérer plein de monde pour que l’album soit vraiment le résultat du taff de plusieurs personnes. Après pour Gladisse le projet s’est un peu arrêté puisque je le mène en duo avec une amie et on est chacune partie dans des pays différents. 

Luc : Autant pour le côté musical on s’accorde plutôt pas mal, autant sur le visuel c’est plus compliqué. Après le fait de garder ce côté DIY, et cet aspect vidéo c’est vraiment quelque chose qui pourrait nous plaire, mais ça dépend vraiment de notre configuration scénique.

 

Des coups de cœur musicaux que vous nous conseillez ?

Luc et Lou : Cindy Lee avec le titre Heavy Metal par exemple, Karl Kave, un suisse découvert par Lowbat qui fait de musique qui a un peu un côté new wave. Il a une super voix, franchement tous ses titres nous convainquent.

Lou : Ou sinon rien à voir, mais en ce moment je suis à fond dans une période guitare donc Song of the white feather de Club secretary, c’est vraiment du super *accent américain sans pareil* « rock’n’roll des States ».

Sinon Chimera de Triphème ou encore Rush and girls et Scratar qui sont des groupes islandais géniaux !
Et aussi Naomie Klaus, c’est une pote de Bruxelles qui fait vraiment des supers trucs.

 

Un mot sur 2021 ?

Lou : Un mot hmm… Fromage.

Luc : Saucisson… (rires)

Lou : Oui vin blanc, fromage et saucisson.