Jessica Pratt, ange folk

Après 3 albums intrigants, Jessica Pratt continue d’être discrète, distillant sa musique avec autant de parcimonie que de classe. Portrait d’une artiste exigeante et pas si rétro qu’on ne le croit.

 

Jessica Pratt, ange folk

 

On sait peu de choses de la jeunesse de Jessica Pratt, née à San Francisco, installée à Los Angeles. Elle a vraisemblablement appris la musique en autodidacte, avec le matériel de son frère et de sa mère, jouant sur des albums de T-Rex, et écoutant les cassettes cotonneuses de Leonard Cohen, Tim Buckley, et d’autres groupes moins folk, comme The Gun Club. Pour l’écriture, un passage par la Beat Generation et par les hallucinations de Bob Dylan, avant d’en revenir : Jessica Pratt préfère l’élusif à la profusion d’images, la fable au monologue délirant.

Son premier album, sorti en 2012 avec l’aide de Tim Presley, membre actif de la scène de San Francisco avec White Fence ou Ty Segall, porte son nom et pose les bases de la signature de la musicienne. Des arpèges complexes à la guitare classique ou acoustique, une voix légère et virevoltante, une esthétique analogique assumée : bruits de magnéto et souffle analogique. Cette nouvelle venue, qu’on compare bien vite aux monstres sacrés de la folk des années 1960, Joni Mitchell, Joan Baez, Paul Simon, reçoit un accueil enthousiaste de la critique.

 

 

Son deuxième album, On Your Own Love Again, sorti en 2015, voit arriver un son un peu plus lumineux, de discrets arrangements de percussions, de cordes, et le choix définitif de la guitare à cordes en nylon. Des chœurs, plus nombreux, plus aériens encore, viennent renforcer la magie intemporelle de l’album, et appuyer une qualité d’écriture remarquable. Dans Moon Dude, berceuse énigmatique, elle chante : Moon dude, you can try the weight / Of your body now in outer space / In time, you can cast a gaze on our planet lines”. 

Un sens de la mélodie formidable, tournoyant, servant à merveille une voix angélique, élastique, au vibrato subtil et expressif.
Sur Quiet Signs, son dernier album, c’est l’apogée : les chansons tournent presque à la musique de chambre, le baroque s’invite dans l’harmonie, on y trouve des synthés, des nappes de cordes cinématographiques, des chœurs encore plus travaillés, plus aigus, plus complexes. La production, toujours aussi chaleureuse, donne une plus grande cohérence à cet album ambitieux. 

 

 

Et en live, la magie opère aussi. En novembre 2019, sur la scène du Point Éphémère, elle ne dit ni bonjour, ni au revoir. Elle se pose là avec sa guitare, entame “Opening night”, accompagnée par un clavier, et la salle se tait. L’heure et demie de concert est un rêve, Jessica Pratt est auréolée par les projecteurs, le silence est religieux. Les applaudissements sont presque de trop : personne ne veut troubler ce moment hors du temps, dont on sort étourdi, comme envoûté.