Frankie Cosmos : Interview

Frankie Cosmos, c’est le projet solo de la new-yorkaise Greta Kline. Du moins, ça l’était, avant que cela ne devienne un groupe.
Greta Kline, je l’ai rencontré à Paris, quelques heures avant qu’elle ne monte sur scène à l’Espace B.
J’ai attendu, un peu, puis elle est arrivée. Elle était exactement comme je l’imaginais : simple, souriante, et d’une extrême modestie.

 

Frankie Cosmos : Interview

 

Greta venait faire sa première date dans la capitale ; “J’avais déjà joué dans une soirée ici, mais ça s’était un peu fait à la dernière minute, juste pour s’amuser”.
Après la sortie d’un premier album en 2014, ‘Zentropy‘, et d’un EP en 2016 ‘Fit Me In‘, elle venait y présenter son dernier album, ‘Next Thing‘ sorti en avril dernier.
À la suite de cette sortie certaines critiques avait dit de Frankie Cosmos mais de manière plutôt positive, qu’elle ne se renouvelait pas dans sa musique. Pourtant, Greta n’est pas d’accord : “Ce nouveau disque sonne vraiment différemment des autres albums que l’on a sorti. J’imagine que j’ai forcément réutilisé des idées et que j’ai écrit sur des concepts très similaires. Mais chaque jour que je vis me fait devenir une personne différente et ce que j’écris est alors pour moi toujours différent. Je pourrais probablement écrire une chanson sur quelque chose que j’ai déjà écrit deux ans plus tôt et ça serait vraiment différent, parce que j’imagine que toutes mes émotions en auront changé l’idée”.
Les morceaux sont pop, très doux et ne respectent souvent aucun format (certains durent à peine une minute).
Entre balades et comptines la jeune femme y raconte avec sincérité son quotidien à New York, mêlé à des souvenirs.
Dans ce dernier album, c’est d’ailleurs le parti qu’elle a choisi de prendre, revenant largement sur son adolescence, des expériences vécues : “C’était une chose à laquelle je pensais beaucoup : être adolescente. Au moment où j’écrivais l’album, j’arrivais sur mes vingt ans, et j’y pensais beaucoup. J’en avais une vision complètement différente. Quand j’étais adolescente je sortais souvent avec des gens plus âgés que moi, et puis j’ai finalement atteint cet âge où tu as beaucoup plus de perspectives sur ce que c’était que l’adolescence. Je ne sais pas vraiment comment expliquer ça, mais je pense que quand j’ai atteint mes vingt ans, j’avais juste des tas de nouveaux sentiments sur mon passé. J’y pensais, et j’y pense encore beaucoup. Probablement beaucoup de personne ressentent ça ; à chaque fois que l’on grandit on en apprend plus sur nous même, on repense au passé, et on s’en fait une nouvelle idée”.
L’une des chansons de l’album s’appelle d’ailleurs I’m 20. Frankie y parle du succès qu’elle a connu avec Zootropy et des difficultés qu’ont entraîné l’écriture d’un deuxième album, qui devait faire face à l’attente d’un public.
Ces chansons sont des morceaux de temps, comme cristallisés, tout droit sortis de son journal intime.
Parfois très personnels, comme Sinister, qui raconte ce moment où elle a vu une fille flirter avec son partenaire, Aaron Maine [NDLR : actuellement dans Porches], alors qu’elle jouait sur scène. Parfois amusant, comme son Interlude où elle parle de son amie Meredith qui est partie en laissant son chat Momo. Et que Greta et “Ronnie” (alias Aaron), l’aiment bien même s’il n’est pas Jojo, le chien de Frankie.
C’est aussi ce qui est très étonnant chez Frankie Cosmos. Greta parle de ses amis, en les nommant, mais aussi de tout ce qu’il y a de plus banal dans sa vie, comme pour rendre son discours encore plus réaliste. Pourtant, elle affirme ne pas se situer dans cette démarche : “J’aime bien parler de choses qui me touchent. Je pense que c’est bien de pouvoir écouter plus tard quelque chose que j’ai écrit dans le passé, parce que cela me rappelle exactement ce que je ressentais ou ce que je traversais à cette époque. Donc, de ce point de vue là, c’est bien que certaine chansons ressemblent à un journal intime. Mais beaucoup de chansons sont aussi de la fiction ou alors un jeu de rôle. J’aime aussi ce genre d’écriture”.

 

Frankie Cosmos : Interview
© Allyssa Yohana

 

Greta Kline commence la musique tôt, mais est surtout dès son plus jeune âge confrontée au feu des projecteurs.
Kevin Kline et Phoebe Cates, ses parents, sont des acteurs de cinéma reconnus et Greta joue dans plusieurs films avant de se consacrer pleinement à la musique. Mais elle dit n’avoir “jamais vraiment ressentie de pression à jouer”. Si elle se tournera vers la musique, ce n’est pas pour y trouver un échappatoire.
“Je pense juste que mes parents, particulièrement ma maman, ont commencé a travailler comme artistes très jeunes. Mes deux parents ont fait de leur art une carrière. Alors quand je n’étais encore qu’une enfant ils m’ont tous les deux encouragés à poursuivre ce que je voulais faire. J’ai commencé très jeune à prendre des cours de piano. Quand j’étais enfant, l’art faisait déjà pleinement partie de ma vie.
Oui, je pense que leur volonté était juste de m’encourager, et la musique m’est parue comme une chose évidente”.
C’est alors sous le pseudonyme d’Ingrid Superstar qu’elle débute la musique, partageant quantités d’albums sur Bandcamp.
Aujourd’hui son bandcamp se révèle une véritable malle au trésor, avec l’accès à pas moins de 51 albums (!!!).
Une discographie qui en fait rêver plus d’un et une énergie débordante, puisqu’entre ses deux albums, Greta a aussi pris le temps de sorti un EP, ‘Fit Me In’. Sa réponse ?
“Honnêtement, j’attendais juste de finir de produire ‘Next Thing’ et nous avions travaillé sur ‘Fit Me In’ depuis quelques temps. J’ai pensé que c’était bizarre, amusant et assez différent. J’avais envie de sortir quelque chose, pendant que j’attendais de sortir ‘Next Thing’ et nous avions ces quatre chansons que le label aimait bien. Mais finalement je n’y pense même pas comme quelque chose sur le tableau de mes sorties. Mais oui, c’était vraiment pour s’amuser, donc sans vraie raison (rires)”.
Je lui alors demandé si c’était elle qui avait réalisé les artworks de ses pochettes, car j’avais aussi entendu qu’elle aimait l’art et la peinture, qu’elle avait pratiqué petite.
“Non, j’ai deux bonnes amies qui sont des supers peintres. L’une vient d’Allemagne et vit en Hollande, c’est aussi une super musicienne. Pour la pochette de ‘Fit Me In’ je lui avais envoyé une photo de moi quand je m’étais faite retirer les dents de sagesses (rires) et je disais genre ‘mon visage est tout gonflé’ et Aaron qui a travaillé avec moi sur ‘Fit Me In’ se trouvait dans le lit à côté de moi. Le jour suivant elle m’a envoyé la peinture. Je me disais ‘C’est tellement bien, il faut que j’en fasse la pochette de l’EP’. Elle a donc fait celle là.
Mon autre amie, Mary, a peint la pochette de ‘Next Thing’. C’est juste une super peintre. Elle est américaine et vit dans le Midwest. C’étais d’abord l’amie de mon frère et puis c’est devenue mon amie (rires). J’ai juste pensé que ça pourrait être cool. J’avais un peu l’idée en tête, nous en avons beaucoup parlé. Oui, c’était une sorte de collaboration, mais tout vient d’elle. J’avais un peu l’idée et elle l’a fait parfaitement.
Je ne suis pas aussi bonne peintre qu’elles. Je peins juste, pour le fun. Pas comme elles, et je ne partage pas mes oeuvres.
Par contre, je fais beaucoup de trucs avec l’ordi, tout le ‘shitty art’ du bandcamp, et tout ce qui est l’art genre pourri de l’ordinateur (rires)”.
Frankie Cosmos a toujours trouvé la musique plus naturelle pour elle. “Je n’ai jamais réellement persévéré dans les arts visuels. Je faisais des peintures et des trucs comme ça, pour m’amuser. Je pense que la musique est plus naturelle pour moi. J’ai toujours fait de la musique, depuis que je suis enfant. C’est très naturel pour moi d’écrire des mélodies, des textes … Mais je pense qu’être jouer sur scène et faire partie d’un groupe est slightly nouveau pour moi et excitant. Bon… Tout ne vient pas naturellement mais …. Ouais (rires)”.

Avant que Frankie Cosmos ne se forme véritablement, Greta Kline travaillait avec Aaron Maine. Elle admet que c’est ce dernier qui la poussa véritablement à se lancer dans la musique.
“Je n’étais vraiment pas prête d’avoir un groupe, quand j’ai commencé à écrire de la musique et que je me suis mise à sortir avec Aaron. Il me disait ‘Montons un groupe !’. C’était le batteur originel de Frankie Cosmos, et il m’a toujours encouragé à jouer sur scène. Il a organisé le premier concert que j’ai donné avant même que l’on ne fasse de la musique ensemble et tout ça. C’était vraiment cool, et j’adore collaborer avec lui, j’espère que l’on continuera de travailler ensemble. Nous ne sommes plus dans les groupes de l’un et de l’autre aujourd’hui, mais on continue de jouer certains concerts ensembles en tournée. Oui, j’espère que l’on continueras à faire ce genre de trucs ensembles. Je pense à de nouvelles choses, comme chanter sur son prochain album, ou faire un truc comme ça”.
“Frankie Cosmos” c’est d’ailleurs un nom que Greta doit à Aaron, qui trouvé le nom en s’inspirant de Frank O’Hara, un poète qu’elle aime beaucoup.
“Frank’O’Hara est un poète que j’ai beaucoup lu au lycée. Je pense que la plus grosse influence qu’il a eu sur mon écriture était celle d’écrire sur tout et n’importe quoi, ou de se fixer sur une chose précise et être capable d’en parler sans que tout ai toujours a être très sérieux. Je pense que c’est assez visible dans mes chansons que je ne prends pas tout au sérieux, et que j’essaie de m’inspirer de tout ce qui m’entoure”.

 

Frankie Cosmos : Interview
© Landon Speers – De gauche à droite : Greta, Luke, David, Lauren.

 

Bon, Greta a insisté plusieurs fois là-dessus, Frankie Cosmos est devenu un groupe.
Mais doit-on néanmoins toujours considérer Frankie Cosmos comme le projet de Greta Kline ?
“Je ne sais pas … Evidemment, je joue les solos et j’écris toujours les chansons. Maintenant j’écris toutes les chansons toute seule, mais j’adore avoir une équipe. Je sens vraiment que Frankie Comsos est devenu un groupe, ce n’est plus juste moi. Je pense que c’est plus gros, plus gros que moi maintenant. J’espère que toute la tournée va continuer avec ce groupe. J’ai enfin trouver une équipe et j’espère que ça va être comme ça pendant pas mal de temps. Oui, je l’espère. Nous avons deux nouveaux membres depuis l’année dernière. Mais ils sont super (rires)”.
David joue la basse et fait les voix de fond. Lauren est aux claviers mais fait aussi les voix de fond. Luke est quand à lui à la batterie.
“Généralement j’écris les chansons chez moi. Enfin, ça a toujours été comme ça, même quand Aaron était dans Frankie Cosmos. C’était tout le temps : J’écris les chansons, les paroles, la mélodie, et j’amène ce que je pense être une chanson aux musiciens. Ensuite on s’entraîne, et on arrange cette chanson ensemble pour l’album et les lives. Donc chacun écrit les parties de l’autre. C’est un travail très collaboratif au final.
Je me mets maintenant à penser qu’un morceau ne sera finit qu’au moment où on l’aura travaillé et arrangé ensemble. On est vraiment une équipe. Ce n’est plus que moi”.
Et si Frankie Cosmos est aujourd’hui un groupe, ses autres membres n’ont pas encore eu l’honneur de participer au bandcamp de l’artiste : “David [Ndlr : Maine], mais aussi Aaron [Maine] et Gaby [Ndlr : Gabrielle Smith], deux anciens membres, ont joué sur ‘Next Thing’. Tout le monde jouait. Même si personne n’a encore joué sur les autres sorties du bandcamp. Mais le prochain album que l’on sortira sera du nouveau groupe. Et j’imagine que tous les albums qui sortiront à partir de maintenant seront avec le groupe. C’est ce que j’imagine (rires)”.

Le top trois musical de Frankie Cosmos ?
“J’aime beaucoup Johanna Newsom, Michael Hurley et Arthur Russel. Ce sont les trois que je citerais, qui font partie de mon top trois. Je ne dirais pas qu’il sont mon seul top trois, mais ce sont les trois seuls que j’aime depuis vraiment longtemps”.