Miqui Brightside : Interview

On vous en parlait il y a peu, on était tombés amoureux d’un jeune homme madrilène. Miqui Brightside a sorti le 4 décembre un nouveau super single, entre house et ambient progressive, Burning Bridges, avec la chanteuse Adriana Proenza. Une patte bien reconnaissable. On a donc sauté sur l’occasion pour discuter avec lui, d’un côté à l’autre des Pyrénées, sur la musique, la photo, l’Espagne, le live… ne manquait qu’une cerveza bien fría en terrasse.

 

Miqui Brightside : Interview

 

Salut Miguel ! Pour commencer, comment tu définirais ta musique, au sein de la scène électro ?

Il y a une manière de la définir, que j’ai entendue dans pas mal d’interviews, c’est quand les journalistes disent « électrónica emocional ». Je crois que dans la scène électro, beaucoup de tracks sont composés en pensant à ce que ça rend sur un dancefloor, mais moi j’essaie de trouver autre chose, de chercher une ambiance différente avant de m’asseoir devant mon ordinateur.

 

Est-ce que tu penses que toutes ces classifications de styles ou genres musicaux ont encore un sens aujourd’hui, surtout dans la scène électro ?

Non, pas vraiment. Ça fait déjà un moment que les genres musicaux sont totalement mélangés. En général, quand tu fais écouter une musique à quelqu’un que tu connais et qu’il te demande « quel genre c’est ? », tu lui cite plutôt quelques artistes qui lui ressemblent, ou qui pourraient représenter un peu ce fameux « genre ».

En fait, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de mettre des étiquettes partout sur les choses dans la vie réelle, donc c’est pareil pour la musique…

 

Sur Burning Bridges, il y a une chanteuse, alors que Panorama était un pur instrumental. Est-ce que les paroles et le chant sont quelque chose d’important pour toi, en tant qu’éléments à part entière, où sont-ils juste un instrument comme un autre au sein d’une chanson ?

C’est une bonne question…  Sans aucun doute, les paroles et le chant sont un élément extrêmement important d’une chanson. Et c’est vrai qu’en général, je trouve que c’est ce qui rend le morceau le plus personnifié et incarné possible, et je garde souvent ça en tête quand je compose. Pour Burning Bridges, j’avais parlé avec Adriana, la chanteuse, pour qu’elle fasse une mélodie à la voix qui corresponde à la mélodie du synthé, et que les deux s’’imbriquent bien. Elle a vraiment compris le truc, puis elle a fait un travail magnifique …

 

En parlant d’Adriana, comment s’est passée votre collaboration, et comment vos univers se sont-ils complétés ?

 En fait, c’est le deuxième morceau qu’on fait ensemble. Le premier n’est pas encore sorti, on ne sait pas quand il sortira, mais on l’adore aussi tous les deux. Adriana m’a vraiment surpris la première fois qu’on s’est rencontrés par sa compréhension hyper claire et rapide des choses et par sa manière de travailler les mélodies. Elle connaît vachement bien sa voix et elle sait en tirer le meilleur. Ça a été facile et agréable, c’est sûr qu’on va retravailler ensemble et refaire des morceaux dans un futur proche !

 

Tes visuels, notamment tes clips, sont magnifiques ! Comment tu travailles avec les réalisateurs notamment ?

 Merci ! En vrai, ça me fait plaisir que tu dises ça parce que c’est vraiment un truc auquel j’essaie de faire attention, autant que possible. À vrai dire, très souvent, quand je me mets à composer derrière mon ordi je visualise déjà des images, des plans que je verrais bien dans le clip. Pour ce morceau, je me suis directement mis en contact avec Pablo Amores, le réalisateur, qui est un très bon ami à moi. Il développe beaucoup d’idées qui sortent de l’ordinaire. Et là on est resté à bosser, à enrichir ces idées à fond, tous les deux au même niveau, et en un mois c’était plié. Franchement, j’adore et je suis très content du résultat !

 

Quels sont les autres arts majeurs qui t’influencent pour la musique ?

 Il y en a pas mal… Si je devais les classer par ordre, je dirais qu’en premier, c’est le cinéma, puis la photo, la peinture et la littérature. J’aimerais aussi ajouter la lumière, les effets spéciaux, vu que c’est quelque chose que je vais expérimenter et explorer bientôt ! J’en dirai plus dans pas longtemps…

 

Miqui Brightside : Interview
Quand Miqui Brightside devient photographe. © Miqui Brightside

 

Tu es aussi photographe. De quelle manière tu penses que les arts visuels, et la photo notamment, peuvent donner plus de profondeur à la musique ? 

 De plein de manières ! Avant, j’avais un live avec pas mal de visuels. J’utilisais des instruments MIDI pour caler tous ces visuels, et franchement, j’adorais ça. Comme je te disais, je vais bientôt refaire un truc comme ça.

Je pense que l’union ou le mélange des images et de la musique n’est pas assez exploité aujourd’hui, alors que c’est hyper intéressant. Mais heureusement, des artistes comme Flying Lotus, Ratatat ou Moderat savent bien utiliser cela et rendre quelque chose de fort et cohérent.

 

De manière plus générale, comment tu composes, et avec quoi ?

Composer, c’est ce que je préfère. Sans aucun doute, et de loin ! Bon, c’est vrai que parfois ça peut être frustrant parce que je n’ai jamais appris à proprement parler, de manière classique, la musique. Mais de manière autodidacte, avec Youtube, j’essaie d’avancer sur cet aspect. Après, il y a des jours où je veux me mettre à composer et où c’est très compliqué.

Sinon, je compose chez moi, avec mon ordi, des casques, et un clavier MIDI 32 touches, c’est tout ce dont j’ai besoin !

 

Est-ce que tu penses que ton environnement influence la manière dont tu fais de la musique (personnel, Madrid, culture espagnole en général) ?

Je pense que oui, mais pas tellement par rapport à ma ville par exemple. Bien sûr, ça compte aussi, mais je pense que je suis plus affecté par ce qu’il se passe dans mon entourage. Quand mes amis ou moi traversons des moments difficiles, je m’en aperçois. Quand quelqu’un me raconte une anecdote par rapport à ça, ou à d’autres personnes, ça me fait réfléchir et ça m’influence. Chaque fois que je compose, je passe un temps à penser aux choses qui me trottent le plus dans la tête, ce à quoi je pense souvent avant de m’endormir ou en me réveillant, et j’utilise tout ça comme une source d’inspiration. Le mieux, c’est quand tu enregistres tout en live au fur et à mesure et que tu vois comment tout a évolué pour un même morceau.

 

D’ailleurs, en parlant de ton environnement, il y a une scène musicale incroyable à Madrid en ce moment ! Tu en penses quoi ?

 Bien sûr ! La scène madrilène (et espagnole en général) grandit à une bonne vitesse. Bon, en vrai, c’est pas vraiment une croissance classique, mais plutôt un boom. Certains groupes, comme Hinds, The Parrots, ou Los Nastys, sont de bons amis depuis 10 ans. Et depuis le début, j’ai pensé que leur musique pouvait voyager à l’international. Et ça me fait vraiment plaisir qu’ils tournent dans le monde entier maintenant, et qu’ils servent d’inspiration pour de plus en plus de gens.

Je pense réellement que Madrid et l’Espagne commencent à être des lieux intéressants musicalement parlant, et il était temps !

 

Miqui Brightside : Interview
© Anna Roig – Hinds et The Parrots, ou les représentants de la nouvelle scène espagnole

 

 Tous ces artistes, y compris toi, sont chez Ground Control Management. Ils sont en train de changer le game un peu non ?

Ground Control a surgi un peu de nulle part il y a quelques années, et a énormément grandi depuis. Je pense qu’avant tout c’est une question de « bon goût », vu que les artistes avec qui ils travaillent sont les meilleurs de Madrid, surtout dans la scène garage/rock. J’ai vachement confiance en eux, et je pense qu’ils vont commencer à avoir de plus en plus de visibilité et donc qu’il y aura aussi plus d’échos pour leurs petits artistes (moi y compris !).

 

Est-ce que tu travailles, ou prévois de travailler avec un label ?

J’avais sorti des tracks en pensant à être signé, mais en fait cette idée n’a pas assez grandi. C’est un peu bizarre de dire ça mais je suis très content de ma position, par rapport à ma musique et à l’industrie. Je n’espère rien en particulier, j’ai pas envie de trop me presser, mais je reste quand même ambitieux et je travaille dur ! C’est juste que je me concentre surtout à créer les contours de l’artiste que je veux être, et après je verrai ce qui viendra.

 

Quelle serait ta place préférée en tant que compositeur ?  Être sur le devant de la scène en sortant tout sous ton nom, ou composer pour les autres comme un producteur ?  

Ouf… Bon, cette question est compliquée ! Idéalement, je choisirais les deux options, sans aucun doute. Mais si je devais choisir l’une des deux, je dirais que ça serait composer pour les autres. J’aime bien la versatilité des « ghost producers », et leur manière de pouvoir s’adapter à n’importe quel type de musique.

 

Miqui Brightside : Interview
L’homme parfait.

 

Tu parlais de ta vie et de ton entourage juste avant, c’est donc ça qui te pousse le plus à composer ?

Oui, sans hésitation ! Pas vraiment parce que j’ai une vie incroyable ou spéciale par rapport à d’autres, mais certains moments me marquent et restent dans ma mémoire. Je me souviens exactement de ce que j’ai ressenti sur le moment. Tant les moments passés que les moments présents m’inspirent et me poussent à retranscrire au mieux ces sentiments d’une autre manière qu’avec de simples mots. Ce qui me plaît beaucoup d’ailleurs…

 

Et plus précisément, en termes de musique ?

À vrai dire, mes parents ont toujours écouté beaucoup de musique. On mettait toujours des groupes mythiques dans la voiture quand on partait en voyage, mais aussi beaucoup de musique électronique. Ça m’a vraiment inspiré et aidé à définir le style de musique vers lequel je voulais m’orienter. Puis il y avait aussi ces cassettes vierges que j’avais et que j’utilisais avec la radio… Je me mettais devant le poste pendant des heures et j’enregistrais dès qu’il y avait un morceau qui me plaisait.

 

Qu’est-ce que tu écoutes le plus en ce moment ?

Plein de choses ! Je vais en énumérer quelques-unes, un peu au hasard : Mild Orange j’aime beaucoup, Vendredi Sur Mer j’ai découvert il n’y a pas longtemps et j’adore, Kiamos c’est plus quand je sors dans la rue, puis après Blood Orange, Mall Grab, Parcels, etc…

 

Bon, maintenant on va parler sérieux : est-ce que Rosalía va être une superstar mondiale ?

(Rires) La question aurait dû être : « Elle ne l’est pas déjà ?? »

 

Et quand est-ce que la track « Miqui Brightside ft. Rosalía » va sortir ??

J’espère très bientôt !!