Slow-L : Interview

Il y a un mois, on vous parlait de Slow-L et de son lexique poétique. Hardies l’a rencontré à l’occasion de la sortie de son nouvel EP Freedom. Rencontre avec le jeune artiste et producteur parisien.

 

Slow-L : Interview
© Marthe Pitous

 

Pour commencer, peux-tu nous raconter ton histoire ?

Je suis né à Orléans, j’ai grandi en région parisienne jusqu’à mes 7 ans. Après je suis parti en Haute Savoie : j’ai bien aimé grandir au grand air mais ado j’avais très envie de sortir et de voir des gens. Je vivais dans un petit village donc c’était impossible de se déplacer, de voir mes potes et j’en avais marre. J’ai toujours eu envie de venir à Paris pour la scène culturelle. Quand j’y venais en vacances étant petit, j’aimais aller au musée, voir des concerts… Ce que je ne pouvais pas faire chez moi.
Je suis arrivé à Paris en 2015, et je savais que j’allais trouver quelque chose : et j’ai trouvé la musique électronique ! Il y avait – et il y toujours –  une vraie scène avec de très bons artistes, DJs, programmateurs ! C’est un peu comme ça que je suis tombé dedans.

 

Du coup tu as fait un peu de scène à Paris ?

Oui j’ai mixé dans quelques boîtes : la Java, la Nuba… Je n’ai jamais fait de très grosses boîtes, j’aimerai beaucoup mixer au Rex mais comme tout le monde je pense ! (rires)

 

Peux-tu nous raconter plus précisément comment tu es arrivé dans le monde de la musique ?

Je suis rentré dans le monde de la musique quand j’ai dirigé un collectif en banlieue parisienne. On organisait des soirées, des afters en 2015, 2016. J’ai rencontré plein d’artistes, c’était assez cool. Et j’étais aussi avec plein de gens qui écoutaient plein de styles de musique différents mais surtout de la house et de la techno. C’est à ce moment-là que je me suis vraiment plongé dedans. Et une fois que ça c’est fini avec le collectif, j’ai vraiment eu envie de produire de la musique, ça me trottait dans la tête depuis assez longtemps. J’ai fait du classique, du rock et puis je me suis mis à la house.

 

C’est à ce moment-là que tu as créé ton label ?

J’ai commencé par apprendre à produire, à faire des sons. Ça m’a pris pas mal de temps d’apprendre, de sortir des sons écoutables. J’ai directement eu envie de créer mon label. Je voulais une liberté et une direction artistique totale et pouvoir signer des gens sur mon label.

 

 

Et tu as signé des artistes ?

J’ai trois artistes que je suis en train de signer, il y en a un qui sort autour du 31 mai et deux autres potes à moi qui préparent 2 EP.

Je suis content de signer des disques sur mon label, que ce soit des potes ou pas ! Y a un mec assez connu, Laroze qui est bordelais et qui a signé sur des bons labels et j’étais super content qu’il veuille faire un disque avec moi. Ça me fait trop plaisir de sortir les disques d’autres artistes. Mon rêve ce serait de sortir un disque d’une artiste. Mais dans mon entourage je n’ai aucune amie qui fait de la house. Il y a beaucoup de filles qui mixent qui sont très fortes, mais pas trop en prod malheureusement. J’aimerai bien un peu de parité !

 

Comment décrirais-tu ta musique à quelqu’un qui ne te connaît pas ?

C’est compliqué comme question ! (rires) Disons que c’est assez varié, j’ai sorti 3 disques et les 3 sont assez différents. Le premier était un peu plus disco/house, assez dansant. Le deuxième était un peu plus inspiré par la house italienne des années 1990. Et le troisième est beaucoup plus italo-disco, new wave… donc assez changeante comme musique. J’aime bien explorer des trucs un peu différents à chaque fois, je m’ennuie quand je fais tout le temps la même chose. Mais ce qui regroupe un peu tous les disques c’est la house, une musique pour faire danser les gens.

 

Pourquoi as-tu choisi de t’appeler Slow-L ?

Bonne question, je ne sais pas si je vous le révèle ou pas ! (rires) Je vais peut-être vous donner un indice. Je voulais juste un nom assez court et y a deux artistes qui m’inspirent énormément depuis le début : Omar-S et Move-D. J’avais envie d’un nom où il y a 4 lettres au début puis 1 lettre. Voilà mon indice pour Slow-L !

 

D’où viennent tes inspirations ? C’est quoi les sons dans ta playlist ?

J’écoute un peu de tout. A l’époque, enfin à partir de 2015 quand je suis arrivé à Paris, j’écoutais vachement de musique électronique donc beaucoup de house et beaucoup de techno, plutôt old school, des années 1980-1990, ce qui était à l’origine de la house. Ça me parlait beaucoup, c’était assez brut, c’était des gars qui faisaient ça avec des machines. C’était vraiment le tout début, c’était assez pur mais assez brut aussi. J’écoutais très peu de nouveautés.

À un moment, je me suis mis à écouter ce qui se faisait de neuf : plus élaboré avec plus de machines… Et je dirai qu’aujourd’hui j’écoute beaucoup moins de house paradoxalement. J’ai toujours écouté pas mal de funk, d’afro et aujourd’hui des trucs un peu psychés, des trucs indescriptibles : un mélange de rock, d’électro… je suis beaucoup plus ouvert. Maintenant je trouve mes inspirations partout : c’est plus les textures qui m’intéressent. Comme on danse moins en club, je me mets à écouter des trucs beaucoup plus calmes, plus lents.

Les artistes français qui m’inspirent en ce moment, je dirai Koji Ono, Laroze, Dov’è Liana, Leo Pol et Quidam !

 

Slow-L : Interview
© Marthe Pitous

 

Tu as l’air d’être particulièrement attiré par la culture italienne, quel est ton lien avec celle-ci ?

J’ai vécu à Rome pendant 6 mois et c’est là que j’ai composé mon premier EP. Je suis parti en échange, c’était une période de transition où j’en avais trop marre des cours donc je suis parti en Erasmus, j’ai jamais mis un pied dans la fac ! J’ai passé mon temps dans ma chambre à composer de la musique ou à visiter Rome, c’était très inspirant.

 

Tu as produit ton nouvel EP  dans le contexte de la crise sanitaire, est-ce que ça t’a influencé pour les sonorités, justement parce que tu aimes faire danser les gens ?

Le premier EP j’écoutais beaucoup de disco house à l’époque, des trucs très samplés donc j’avais envie de m’inspirer de ça et de le reproduire. Après le deuxième je l’ai composé en un été où j’étais beaucoup à la mer, il se trouve qu’à cette époque j’écoutais beaucoup d’italo house donc des trucs très planants avec beaucoup de synthés. Et le troisième est beaucoup plus sombre, plus italo disco/new wave donc des trucs assez froids. Je l’ai fait pendant le premier confinement et inconsciemment ça m’a inspiré des trucs un peu sombres.

 

Est-ce que tu dirais que chaque EP reflète l’état d’esprit dans lequel tu étais à l’époque où tu les as composés alors ?

Ouais c’est clair ! J’y ai pas du tout pensé comme ça mais en regardant en arrière tu te rends compte qu’il y a un peu de toi dans chaque EP et surtout des moments de ta vie mais sans le vouloir et c’est ça qui est beau en fait.

 

Oui d’ailleurs, tu racontes des anecdotes au dos de tes disques en lien avec des amis et des lieux, c’est quelque chose qui t’inspire ?

Ouais c’est clair ! J’avais envie d’inscrire les deux premiers EPs dans des lieux que j’aime beaucoup. J’ai appelé mon label le Slow Bistro Record parce que je suis très attaché à la culture du bistro à la française qui se perd vachement. C’est des restaurants pas très chers où tu peux boire un verre de vin, il y a un vrai brassage culturel, il y a des gens de tous milieux différents : des artistes, des gens très riches, des gens plus pauvres… Donc notamment Le Co était un endroit comme ça et c’était une période de ma vie où j’ai eu pas mal de changements donc je me suis mis à aller pas mal dans cet endroit avec mes potes. J’y ai rencontré plein de monde, il y avait une vraie beauté dans ce lieu. C’est comme ça qu’est né le label puis le premier EP. Le deuxième pareil, c’est un lieu que j’ai découvert avec des amis, un peu dans le même style. J’ai envie de rendre un peu hommage à cette culture-là.

 

Slow-L : Interview
© Marthe Pitous

 

Et ça se voit même dans les visuels de tes deux premiers EPs qui sont très similaires, tu as travaillé avec quelqu’un en particulier ?

Oui ! Un photographe que j’ai rencontré au Co justement, Maneli Parsy (Exkise). Il prend plein de très belles photos donc j’avais très envie de bosser avec lui, qu’il me fasse une couverture. Il y a un vrai grain dans la photo, il utilise un appareil assez spécial avec des effets.

 

Et là tu nous as fait une petite rupture avec le dernier EP ?

Ouais c’est ça ! (rires) Pour le coup c’est une pote photographe, Maï Saikusa. J’avais envie de changer un petit peu. Je n’aime pas faire tout le temps la même chose. 

 

1 EP, 2 EP, 3 EP, est-ce qu’il y a un album à un moment qui va sortir ?

J’y réfléchis ! J’ai beaucoup de morceaux qui sont enregistrés dans mon ordi. Il y a plein de sons que je ne sortirais jamais sur un EP parce qu’ils ne sont pas très vendeurs, ce n’est pas forcément une musique que les gens vont avoir envie d’acheter. Mais je me suis tâté à faire un disque avec une douzaine de morceaux un peu différents… ça c’est un projet, je ne sais pas si je vais le faire un jour, on va voir.

 

Et tu aimerais collaborer avec des artistes sur un potentiel album ?

J’aime beaucoup bosser avec d’autres gens, je trouve ça passionnant ! J’aime beaucoup inviter des copains à la maison qui font du son, juste en travaillant ensemble déjà on progresse vachement et on partage plein d’idées. On utilise un peu tous Ableton, un logiciel assez austère, il y a un très long temps d’apprentissage et personne ne s’en sert de la même manière c’est ça qui est assez dingue ! Quand tu passes six heures avec un pote, t’as l’impression d’avoir acquis 3 mois de progression d’un coup parce qu’on utilise le logiciel d’une manière différente.

Pour revenir sur les collaborations, j’ai fait un remix avec Dov’è Liana y a pas longtemps. Et j’ai trois autres remix en préparation. J’aime bien apporter une patte différente à un morceau que j’aime beaucoup.

 

 

Est-ce qu’il y a un morceau dont tu es particulièrement fier ?

Bonne question… y en a un que j’aime vraiment beaucoup sur Les Lapins Bleus, c’est The Coast. C’est vraiment un hommage à la house italienne et j’en suis assez content. Il n’a pas très bien marché mais c’est marrant parce qu’en fait sur les trois EPs à chaque fois il y a un morceau où j’ai mis beaucoup de cœur et c’est souvent celui qui marche le moins bien car c’est trop personnel.

 

Est-ce que tu as un coup de cœur musical en ce moment à nous partager ?

Un truc que j’aime beaucoup en ce moment c’est : Neoton Familia – Forrófejű lány, je crois que c’est des hongrois ou des serbes, c’est de la disco très sympa ! Sinon j’écoute tellement de choses différentes… après mes gros coups de cœur en ce moment c’est des trucs un peu shame… (rire).

Sinon y’ a un mec qui s’appelle Ekonopolis qui est super talentueux, il a vraiment un don, il est incroyable. Il produit énormément de belles choses et différentes. Je l’ai rencontré il y a 2/3 ans et on a continué à échanger, à s’envoyer des sons et tout. Je pense qu’on va faire un disque ensemble. C’est assez hallucinant. Il a une vraie proposition artistique, une vraie construction rythmique. Antoine Veron aussi avec qui je vais peut-être sortir un disque et qui est très talentueux. J’ai déjà collaboré avec lui sur Les Lapins Bleus. Il a pris un vrai niveau, une vraie structure harmonique qui est super intéressante.

 

Tu dois avoir hâte de retourner sur scène ?

Ah de ouf ! Ça manque ! J’ai hâte de jouer avec mes potes. Je crois que mes meilleurs sets c’est quand j’étais en petit comité avec mes potes, c’est vraiment des beaux moments !

 

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?

Que l’EP marche, on croise les doigts ! (rires) J’ai plein de projets, j’espère qu’il y a au moins trois ou quatre disques qui vont sortir cette année, des remix… c’est très excitant ! J’espère surtout que les gens vont bien aimer !