Sevdaliza, étrange élégance

Sensuelle, insaisissable, étrange : Sevdaliza vient de sortir Shabrang, son deuxième album. Hardies vous explique pourquoi vous ne pouvez pas vous passer de l’écouter. 

 

Sevdaliza, étrange élégance

 

Sevda Alizadeh est née en Iran, d’une famille multiculturelle, et a émigré aux Pays-Bas avec ses parents à l’âge de 5 ans. Elle cite souvent ses héritages familiaux multiples en influence, en particulier son héritage perse, et sa trajectoire d’émigration, qu’elle mobilise dans sa musique et ses visuels. De son parcours personnel, il nous faut souligner son rapport à la souffrance, influencé par la fibromyalgie qui lui a été diagnostiquée (maladie d’origine neurologique, associée à une fatigue chronique intense et des douleurs récurrentes), et qui la pousse à s’exprimer sur des questions de guérison, de rapport au corps et à soi.

Promise à une carrière internationale de basketteuse professionnelle, elle finit par faire le choix de la musique, et sort un premier single en 2014, Backseat Love, repris sur son premier EP, The Suspended Kid”, puis Children of Silk, sur son propre label, “Twisted Elegance”. Un clin d’oeil à la chanson de Janet Jackson, sur l’album The Velvet Rope, que Sevdaliza cite comme une de ses références majeures. Certains titres se retrouveront d’ailleurs sur son premier album, ISON, sorti en 2017, un chef d’œuvre époustouflant de maîtrise.

 

Premier titre, première claque. Shahmaran fait éclater aux yeux du monde la signature de Sevdaliza : une voix envoûtante, sensuelle, des textes faisant entrer en collision l’intensité de l’amour et de la souffrance, des cordes lancinantes adeptes du demi et du micro-ton (harmonies venues de la Grèce Antique et typiques de certaines musiques traditionnelles du Moyen-Orient), des beats rappelant le trip-hop et la trap, des visuels surpuissants, et une impression générale d’être en présence d’une personne plus qu’humaine, à la féminité étrange. La pochette illustre également cette porosité des frontières : un masque à l’effigie de la chanteuse coiffe un buste de celle-ci, signe de dualité, mystérieux. Un album incomparable, total, hybride, terriblement talentueux.

 

 

Après un EP en 2018, The Calling, Sevdaliza a sorti cette année son deuxième album, Shabrang. Le son de l’album est semblable au précédent, quoique plus affirmé et avec une utilisation plus créative encore de l’autotune et du pitch, comme sur Human Nature, où la voix se fracasse sur les aigus, rendant le tout d’autant plus tragique. Sevdaliza se fait également plus politique sur son identité iranienne : sur Oh My God, elle évoque la guerre économique entre les Etats-Unis et l’Iran, et sur Gole bi Goldoon, elle reprend un classique d’une chanteuse iranienne, Googoosh. Joanna est un climax de vulnérabilité magnifique, Lamp Lady une ballade lancinante sur le thème du destin. Les clips sont également somptueux, du noir et blanc sculptural de Habibi jusqu’à ce rodéo sensuel et bionique dans Rhode.

 

 

Sevdaliza s’impose ainsi comme une voix qui compte, un projet étonnant d’assurance et de maturité, original et puissant. Une artiste qui n’a sans doute pas fini de nous impressionner. 

 

A voir : live Arte au Musée des Arts et Métiers.