Bonnie Banane, le RnB perché qui veut faire groover la planète

En 2013, au conservatoire national d’art dramatique a lieu un cours de clown. Pour l’occasion, il est demandé aux élèves de trouver leur clown, et pour ça, pas le choix, il faut trouver un nom à son alter-ego. Bozo ? trop mainstream. Pomme ? Quelle idée pour un nom (lol). Hmm… Comment trouver un nom à la fois badass et un peu lolesque ?… Bonnie Banane ! Emballée par sa trouvaille, Anaïs Thomas, aussitôt son cours terminé, s’empresse de changer son pseudo Facebook ; la naissance d’un grand projet…

 

Bonnie Banane, le RnB perché qui veut faire groover la planète

 

Vous y croyez que « Bonnie Banane », ça vient de là ? Eh bien vous avez tort car cette histoire est totalement sortie de mon esprit alambiqué (mis à part le fait que Anaïs Thomas portait bien sur Facebook le pseudo Bonnie Banane avant de nommer son personnage de scène ainsi). 

Si à ce jour, le secret de l’origine de son blaze reste solidement gardé, Bonnie Banane et sa musique sont elles largement sorties de cette confidentialité.

En juillet 2017, je chille sur les plages bretonnes, et ma BO du moment c’est Code. Par ce featuring du gratin Myth Syzer, Ichon, Muddy Monk et Bonnie Banane, voici comment j’ai découvert l’artiste qui aujourd’hui bouleverse la scène pop française actuelle. Je dis pop, car à présent on dit pop pour à peu près tout. Dans les faits, il s’agit davantage d’une sorte de RnB savamment weedé.

Inspirée par les sonorités neosoul d’Erykah Badu, par la majestuosité de Prince, aussi bien que par l’amour passionné de (feu) Michel Legrand pour sa femme Macha Méril, Bonnie Banane délivre une mixture que personne n’attendait et c’est un délice.

Sans crainte des barrières et décidée à s’essayer à la musique en parallèle de sa carrière de comédienne, en 2012 Bonnie Banane sort Muscles, titre qui rime très vite avec « talent à saisir » pour plusieurs producteurs. C’est ainsi qu’à l’hiver 2012, Bonnie Banane collabore avec un certain Jimmy Whoo et qu’en février 2013 paraît Burn a Car, un rap anglophone version oldschool, sur lequel Bonnie Banane à l’aide d’une voix soul et sublime, nous fait part de son engagement sur la situation des banlieues lâchement résumées à des voitures qui brûlent.

 

 

Bien qu’éloignée de ce qu’on connaît de la Bonnie Banane d’aujourd’hui, cette collaboration est décisive dans son parcours puisqu’elle marque son rapprochement avec des producteurs et rappeurs tels que Walter Mecca, Jazzy Bazz, Varnish la piscine, Myth Syzer…
Un don pour s’entourer des bonnes personnes et des textes décalés dans lesquels l’engagement n’est jamais très loin, il n’en faut pas moins pour propulser la carrière de l’artiste.

Des dizaines de titres et de collaborations plus tard (je vous invite à les checker il y en a vraiment beaucoup !), Bonnie Banane, avec en 2016 la sortie du clip du son L’appétit réalisé par William Laboury, entame en un nouveau tournant dans sa carrière, celui des clips léchés, d’une identité visuelle étrange, loufoque et très graphique. On découvre alors une être venue d’ailleurs, un mix de couleurs, de bizarreries et un timbre de voix envoûtant.

2018, alors que nous tentions tous et toutes de nous remettre du mariage le plus fastueux de la décennie et que nous découvrions que Mark Zuckerberg était en fait un robot, sortait un album qui sera pour beaucoup, le meilleur souvenir de l’année : Contre-temps de Flavien Berger. Contre-temps, c’est justement l’album éponyme du titre merveilleusement long, divinement interprété par Flavien Berger et Bonnie Banane. Treize intenses minutes d’une petite épopée que personne n’avait anticipé, pas même Bonnie Banane, adepte des sons courts qu’elle aime écouter en repeat ! Finalement convaincue, de son aveu-même c’est l’un des plus beaux morceaux sur lequel elle a collaboré.

Toujours aussi identifiable, c’est dans un tout autre style, bien plus énergique, qu’elle revient en juin dernier avec un modèle encore plus coloré et plus halluciné qu’avant : La Lune et le Soleil ; single clipé tiré de son dernier album Sexy Planet paru en novembre. Inspirée par Orange Moon, chanson de son idole Erykah Badu, c’est à coup de furries (passionnées dont le plaisir se trouve dans le port de costumes d’animaux), de soleil télétubbiesien et de nounours dont le kawaii est discutable, que Bonnie Banane, accompagnée de Clifto Cream à la réalisation, revient en force et annonce la couleur d’un album sexy….

 

Bonnie Banane, le RnB perché qui veut faire groover la planète
Cover de l’album Sexy Planet.

 

Sexy Planet

Quelques nouveaux.elles ami.e.s en poche, c’est en novembre dernier, accompagnée de producteurs de talent comme Para One, Chassol, Loubenski, Ponko & Prizly ou encore Théo Lacroix et Monomite, alliée d’une collaboration fructueuse avec la réalisatrice Mati Diop dans la réalisation du clip de Flash, que le nouvel album de Bonnie Banane sort.

Alors que notre planète bleue peut nous semble bien triste tant ses maux sont multiples, Bonnie Banane prend le parti d’une vision optimiste, elle voit la vie en rose. En fait non, elle voit surtout la beauté de la Terre, elle voit une « nature qui se la pète », une Sexy Planet qui chasse le racisme, le machisme, l’homophobie et toutes les discriminations.

Toujours fidèle à elle-même, c’est au fil de quatorze titres que l’intrépide Bonnie Banane nous partage un peu de son intimité, nous éblouit de son charme et de sa frénésie, et nous délecte d’un éclectisme musical assumé, mais toujours groovy.

Encadré par une intro Zinzin presque possédée et conclue par une osmose délicatement envoûtante (Quelle Osmose !), Sexy Planet ne fait aucun compromis et laisse libre cours aux inspirations musicales. Dès lors voguent côte à côte des morceaux comme La lune et le soleil, Bluff et Les bijoux de la reine, ce sans aucun complexe lié à la nature de leur instru, respectivement synthé-funk, breakbeat/house et musique aux inspirations moyenâgeuses. Et puis au milieu d’histoires de Béguin, de mémoire qui défaille dans Flash, de mea culpa amoureux plus ou moins adroits (Mauvaise foi) et de sons plus légers et dansants, une instru entrecoupée similaire à du Björk (5 years dans l’album Homogenic) introduit un son puissant : Limites. Deux minutes lors desquelles Bonnie Banane rappelle les bases du consentement, les « limites à ne pas dépasser », que « non c’est non ». Limites est un son qui entre en résonance avec une parole de plus en plus libérée sur les agressions sexuelles et sexistes, espérons qu’il inspire les dancefloors et bien plus encore…
Sans volonté particulière de traiter la question féministe, c’est au travers de ses textes que l’on découvre, égrenées, des paroles au sens fort, « tu m’excites quand tu me respectes » (
Béguin).

 

 

Qu’il s’agisse de parler d’amour ou de respect, pour sûr que le « sixième sens » ou « le troisième œil » dont est dotée la sorcière Bonnie Banane saura, pour longtemps encore, transcender la scène francophone actuelle et inspirer nos êtres avides de concerts post-apocalypse.

En anglais ou en français, version RnB alternatif, poète ou rappeuse neosoul 2.0, nulle ne sait sous quelle forme elle apparaîtra la prochaine fois, mais soyez-en sûr.e.s vous n’avez pas fini de voir Bonnie Banane surgir pour vous abreuver de sa potion magique…

J’aurais aussi pu parler de l’excitation des papillons dans mon ventre à l’écoute de l’incroyable Les Papillons, ou encore du soin avec lequel je fais onduler mon corps en écoutant Cha-Cha-Cha, mais je préfère plutôt vous conseiller l’écoute urgente de Sexy Planet.
Et si vous appréciez l’image associée au son, une session live mainte fois reportée à la Boule Noire à Paris, a enfin eu lieu, et la captation est disponible dès à présent sur Arte Concert, et le level est HIGHHH!

En espérant que mon manque de concision ne soit pas trop vu comme un affront par Bonnie Banane peu encline au superflu.