Danny L Harle et Harlecore : Bienvenue au club !

Si vous suivez de plus ou moins prêt ce qui se passe depuis quelques années dans le mouvement aux contours plus ou moins flou que certains appellent aujourd’hui l’hyperpop, vous connaissez sans aucun doute le label londonien précurseur PC MUSIC. À l’époque, les compilations PC MUSIC VOL. 1 et PC MUSIC VOL. 2 avaient fait découvrir aux auditeurs interloqués et divisés des artistes tels que Hannah Diamond, AG Cook, EasyFun, GFOTY et Danny L. Harle.

 

Danny L Harle et Harlecore : Bienvenue au club !
© Vasso Vu

 

Leur style incomparable à l’époque (et largement pompé depuis) mélangeait d’une manière inédite instrumentation vides, voix ultra pitchées et souvent très aiguës, cascades d’autotune et surtout, ce que les nombreux musiciens qui se sont engagés dans leur sillage ont parfois oubliés, une richesse mélodique imparable. Ne laissant personne indifférent (à part mes grands parents qui décidément ne s’intéressent à rien) certains ont crié au génie, d’autres y ont vu une vaste blague et sont retourné écouter Crosby, Stills, Nash and Young en décrétant que décidément, un morceau sans solo de guitare, ce n’est pas vraiment de la musique.

Si les premiers morceaux de Danny L Harle étaient ultra (hyper?) pop, cela fait maintenant quelque temps que le virage à été pris vers une musique plus dance, plus frontale, et forcément un peu plus répétitive. Donc ce n’est pas une grosse surprise de ne pas retrouver sur Harlecore des morceaux tels que Broken Flowers, Me4U ou Supernatural. Et même si la promo de l’album a été faite avec le single On a Mountain qui est manifestement le morceau le plus proche de ceux sus-cités, sans doute pour ne pas rebuter d’emblée certains fans, ce morceau sera le seul à pouvoir prétendre se rapprocher de près ou de loin de l’early-work du producteur.

 

Danny L Harle et Harlecore : Bienvenue au club !
Cover de Harlecore.

 

De manière générale, les morceaux de Harlecore ont comme point commun quelque-chose qu’on pourrait appeler un certain manque de subtilité, qui résultent dans l’impression à certains moment d’écouter une compile NRJ ONLY HIT de 1992. Un manque de subtilité que la pochette, à rendre malade vos copains graphistes, pouvait laisser présager. Sur celle ci on voit apparaître les 4 alias du producteur à savoir le tentaculaire DJ Océan (en vert), DJ Mayhem (en rouge) sorte de guerrier loup garou en baskets, MC Boing (en bleu) et bien sur DJ Danny (en jaune, au centre). Chacun avec sa personnalité propre, et son style de musique. MC Boing (en featuring avec Lil Data) est une sorte de mascotte surexcitée, rappant avec l’énergie de l’absurdité tandis que DJ Mayhem (en featuring avec Hudson Mohawke), le bourrin de la bande, développe une sorte de gabber infernal et oblitérateur. DJ Danny est l’enfant rêveur, plus sentimental, enfin DJ Océan (en featuring avec Caroline Polachek) nous entraîne dans des limbes de nappes éthérées, souvent sans beat, et dans lesquelles parfois, peut être aussi par effet de contraste, on se prend à s’ennuyer un peu.

 

 

Quel que soit le pseudo, le constat est le même. Cette frontalité qui irradie l’album, est en fait à mettre au pluriel. L’album puise justement sa force dans la combinaison inattendue et hallucinante d’efficacité d’éléments très éloignés, souvent un peu kitsch. Que ce soit le rap de MC Boing, sorte de crazy frog ultra vénère, les interventions cadavériques de DJ Mayhem à la façon d’un animateur de soirée au camping des enfers, le choix des samples dont les cousins de Casual Gabberz ne rougiraient pas, les mélodies à 5 notes, les drops à la TomorrowLand… Tous ces éléments qu’on a toujours un peu aimé au fond de nous mais qui bien souvent se révèlent être de gigantesques red flags musicaux, viennent ici s’articuler dans des structures faites pour sublimer leur essence originelle : faire danser. Le résultat, brutal et finalement d’un rare courage, est tout simplement jouissif et parfaitement dosé, comme une glace ultra sucrée avec juste ce qu’il faut de morceau croquant pour éviter l’écoeurement et la lassitude. Et on se retrouve à finir tout le pot avec une certaine culpabilité que vient bien vite supplanter la satisfaction du travail bien fait.

Pour conclure, l’album entier est pensé comme un DJ Set dont l’efficacité destructrice semble être prévue pour compenser son inéluctable et effroyable défaut : ce n’est qu’un enregistrement. Qu’est-ce qu’on aimerait sur ces morceaux voir Huge Danny sauter et tourner sur lui même au rythme des stroboscopes comme au bon vieux temps. Et même s’il a fait tout ce qu’il pouvait pour continuer à mettre l’ambiance en ligne (on pense au live sur MineCraft notamment), on ne va rien se cacher… ce n’est pas vraiment pareil. Mais alors franchement est-ce qu’un DJ Set, même épileptique et rempli d’idées délirantes, avec un travail d’orfèvre à la production et une créativité jouissive dans la fusion des styles, peut constituer un album digne de ce nom ? Bien sûr que oui, la preuve.

En attendant 2052, quand on pourra à nouveau faire la fête et qu’il y aura la mer à Lille, pour réinventer la rave en solitaire à la maison – avec un casque bien sûr parce qu’entretenir de bonnes relations avec ses voisins c’est la clé du bonheur – faites-vous plaisir avec Harlecore, c’est de la bonne.