Slint : Spiderland, 30 ans après

Le 27 mars dernier, certains d’entre nous ont passé une journée « normale », rythmée par l’ambiance pas très chaleureuse du moment. Pour d’autre, ce fut l’occasion d’écouter une nouvelle fois le deuxième et dernier album de Slint, Spiderland, et d’apprécier encore une fois ce monument. Spiderland c’est le genre d’album qui intrigue, et qui fait partie d’autres innombrables projets n’ayant pas eu le succès qu’ils méritaient, au point de devenir culte. Même si ce qualificatif est parfois insupportable, car trop souvent utilisé à tort et à travers, il est parfait pour décrire cet album qui ne ressemble à aucun autre.

 

Slint : Spiderland, 30 ans après

 

Le 27 mars 1991, le label Touch and Go sort donc cet album dans un relatif anonymat, et ne peut pas compter sur le groupe pour la promo, les membres ayant mis fin à leur collaboration avant cette sortie. Les ventes sont maigres, et la presse ne porte pas tant d’attention au projet. Mais comme d’autres groupes avant eux, ils vont avoir une énorme influence tout au long des années 90, et encore de nos jours.

Petit point de contexte : les quatre membres, Britt Walford (batterie, chant), Brian McMahan (chant, guitare), David Pajo (guitare) et Todd Brashear (qui a remplacé Ethan Buckler à la basse après la sortie du premier album Tweez en 1988), grandissent à Louisville, dans le Kentucky. Très tôt, ils fondent divers groupes de punk hardcore et roulent leur bosse en jouant partout, presque tout le temps. Britt et Brian, amis d’enfance, ce recentrent plus tard en incorporant David Pajo et Evan Buckler pour former Slint, projet bien différent de la scène hardcore à laquelle ils appartenaient.

Pour eux, faire de la musique à ce moment là n’est pas une recherche de célébrité et de gloire, seulement un moyen de se retrouver dans la cave des parents de Britt Walford et passer un bon moment.  Entre 1989 et la sortie de l’album, ils vivent comme de simples jeunes gens, partageant leur temps entre l’université et les répétitions le week-end, jusqu’à composer 6 morceaux qui deviendront plus tard Spiderland.

En 4 jours éreintants, ils enregistrent donc Spiderland. Beaucoup de légendes accompagnent les sessions en studio des musiciens : tensions entre les membres, ambiance morose, angoissante au point que certains membres seraient entrés en dépression. Si tout cela n’est pas forcément vrai, on peut quand même se dire, après l’écoute de Spiderland, que ça ne devait pas être la grosse ambiance. 

 

Slint : Spiderland, 30 ans après

 

Parce que l’album ne ressemble à aucun autre. Ce n’est pas un album particulièrement joyeux, bien au contraire. Il n’y pas de refrain, beaucoup de silences, et le chant, fragile, chuchoté ou hurlé, fait le lien entre tous les instruments. Ce qui frappe tout d’abord à la première écoute est la façon dont les quatre membres posent le son, complètement lourd mais aérien, calme et violent à la fois. Breadcrumb Trail ouvre le bal avec ses fameuses harmoniques, et la marque de fabrique de Slint apparaît, ce chant grave, solennel, et quasi récité de Brian McMahan qui pose les bases de l’album. Arrivent ensuite Nosferatu Man, avec son rythme bancal et complètement Math-rock,  et Don, Aman, composé seulement de guitares et d’une voix et chanté (ou plutôt chuchoté) par Britt Walford. Don, Aman raconte le malaise de Don, qui ne se sent pas à sa place dans une soirée, mais aussi dans la société, et qui se met en retrait, pour essayer de mieux comprendre le monde. Les paroles posent les bases du ton de l’album, toujours très descriptives et sombres à la fois.

Le titre Washer continue de tisser la toile que Slint entreprend. Élément important de l’album, le son des guitares est très clair sur ce titre, en tous cas au début,  et contraste avec le son distordu et gras qu’ils utilisent à la fin, et qui du coup a beaucoup plus d’impact quand il surgit. Washer est le titre le plus chanté de l’album, et peut être aussi le plus beau. Le titre For Dinner, uniquement instrumental, marque une petite pause dans l’écoute de l’album, et garde cette ligne entre le beau et le sombre.

 

 

Good Morning Captain, qui clôture l’opus, va dans ce sens, avec une progression tourmentée qui aboutie au final chaotique, et le déchirant “I Miss You” hurlé par McMahan à la fin du morceau, qui s’oppose avec le reste du titre, où le chanteur conte l’histoire d’un marin seul survivant d’une tempête qui a décimé tout son équipage. 

Avec cet album, les membres de Slint ont, sans s’en rendre compte, influencé une flopée de musiciens à travers le monde. Mogwai, Arab Strap dans les années 90, et plus récemment Black Midi et surtout Black Country New Road, groupe qui revendique ouvertement l’influence de Slint dans son dernier album.

Après Spiderland les membres ont tous continué à faire de la musique leur métier, avec notamment David Pajo et son projet Aerial M (ou Papa M), et Brian McMahan avec The For Carnation. 

 

PS : Pour ceux qui veulent en savoir plus sur Slint, le génial documentaire « Breadcrumb Trail » est disponible sur Youtube.