Dry Cleaning ou comment crier en chuchotant

Après quelques EPs sortis pêle-mêle depuis 2018, les South Londoners de Dry Cleaning ont enfin offert début avril un album enregistré en deux semaines dans la campagne galloise de dix chansons tout rond, New Long Leg. De quoi rallonger la liste des petits groupes anglais qui osent mettre les mains dans le cambouis.

 

Dry Cleaning ou comment crier en chuchotant

 

Au centre du quatuor, Florence Shaw, la chanteuse, quasi immobile sur scène et au regard constamment soucieux. Sa marque de fabrique ? Une narration posée, cette dernière ayant bien précisé lorsqu’elle a rejoint le groupe qu’elle ne chanterait pas. Qu’à cela ne tienne. 

Pas besoin d’une chanteuse qui hausse le ton pour que le style de Dry Cleaning tende plutôt du côté du noise rock. En effet, les paroles sont susurrées mais elles se glissent entre deux riffs lancinants initiés par Tom Dowse à la guitare, une basse flottante et hallucinatoire à souhait de Lewis Maynard, ou encore une batterie inventive et cadencée, celle de Nick Buxton. 

Les chansons prennent des airs de poèmes recomposés, tous imaginés par la chanteuse. Son inspiration pouvant aussi bien venir d’une phrase lue dans un tabloïd que de la dernière exposition de la National Gallery à Londres, de commentaires lus sur Youtube ou encore de hot-dogs. Les paroles lorgnent vers l’absurde pour un effet psyché comme on aime et rappellent dans une atmosphère plus dark – particulièrement sur Strong Feelings – un Baxter Dury pour le côté poète maudit qui aurait monté son groupe.

 

 

New Long Leg offre des contrastes improbables tant dans le fond que dans la forme. S’il s’ouvre sur Scratchcard Lanyard, un titre ardent qui vient capter l’attention pour la suite de l’album, le reste oscille entre ballades mélancoliques telles que More Big Birds, ou Leafy et des titres plus tendus, aux rythmes enlevés comme le bien nommé John Wick

Goodnight et Magic of Meghan sur les premiers EPs venaient prédire les sons plus vindicatifs de l’album, tels que Unsmart Lady sur lequel « Flo », portée par le son saturé de ses acolytes, se ré-approprie les insultes qui ont pu être proférées à son encontre en tant que femme. Les membres du groupe montent au créneau pour accompagner leur chanteuse et décupler le sens de ses paroles dans une symbiose touchante.

L’album se clôt finalement avec Everyday Carry, chanson dans laquelle culmine le style poème recomposé cher à la chanteuse ainsi que son humour pince-sans-rire. L’histoire commence avec des « Chocolate chip cookies » pour terminer sur des « Curtains always closed », la guitare attend son moment dans un suspens hallucinogène latent et la batterie résonne comme un pouls prêt à s’emballer. Sept minutes et quelques d’apothéose pour mettre un point final à ce premier opus. 

 

 

New Long Leg peut paraître un peu fouillis de prime abord tant les inspirations du groupe sont diverses, allant du funk au métal, tant les paroles semblent hors-sol ou tant les contrastes semblent improbables entre la voix posée de Florence Shaw et l’univers musical saturé qui l’entoure. Cependant, l’aide du producteur John Parish – producteur entre autres de PJ Harvey et de Eels – semble les avoir aidés à canaliser leurs fureurs respectives et offre ainsi un album bien ficelé, ce qui péchait un peu sur leurs précédentes sorties.

Le second album se fait donc déjà attendre ainsi que les premières dates de concert pour voir en live ce que les Britons ont dans le ventre et plus particulièrement si Florence Shaw se révèle aussi charismatique qu’en vidéo.