The Parrots : Interview avec Diego Garcia

Nous vous avions déjà parlé des Parrots, le trio madrilène un peu fou, qui depuis deux ans participe à faire revivre rock et garage dans la capitale espagnole.
Il y a Diego, au chant et à la guitare, Alex à la basse et Larry à la batterie.
Après la sortie d’une série d’EP remarqués, c’est fin août que les Parrots sortaient chez Heavenly Records leur premier album, ‘Los Ninos Sin Miedo‘. Les morceaux sont fidèles au groupe : rock et débraillés.
En tournée tout autour du monde depuis un bout de temps déjà, on a profité de leur venue à Paris pour enfin aller à leur rencontre.
On a parlé à Diego, tout aussi fidèle au groupe : déconneur et passionné.

 

The Parrots : Interview avec Diego Garcia
© Miqui Brightside / De gauche à droite : Larry Balboa – Diego Garcia – Alex De Lucas

 

Pour commencer, comment est ce que quatre potes qui aiment faire la fête en viennent à faire de la musique ? Est-ce du à un évènement particulier ou alors vous vous êtes juste dit un jour « si on faisait un groupe de rock » ?

C’est parce que l’on est pauvre et que l’on veut faire la fête. Maintenant que l’on fait de la musique, tout le monde nous invite. Et on peut aussi voyager, aller partout et faire la fête, comme ici à Paris. Tout nous est offert et on peut rencontrer des nouveaux amis tous les jours. C’est tout ce que nous voulons faire.
 

Jouer et faire la fête ?

La musique est la chose la plus belle que nous puissions faire. Si tu arrives à te faire inviter pour jouer partout dans le monde, c’est génial.
Je ne sais pas … Comme je le disais, on n’a pas d’argent. Si j’étais à la maison, je devrais acheter ma bière, ma nourriture et on devrait voir les mêmes gens, chaque jour. Ce que nous vivons aujourd’hui, c’est beaucoup plus excitant. Je n’ai besoin que de ça, c’est parfait.

 

Les médias ont pris l’habitude de présenter The Parrots comme le groupe de garage rock espagnol par excellence. Qu’est ce que tu pense de ça ?

Je m’en fiche et d’ailleurs, on n’est pas le seul groupe de garage. Il y a beaucoup de groupes à Madrid, que j’aime beaucoup, il y en a des centaines. Bon, pas cent (rires), mais il y en a bien plus que quand on a commencé à jouer de la musique.
Je ne pense pas que l’on soit juste un groupe de garage ; on joue du rock n’roll, mais on se fiche un peu de tout ça, on est plutôt du genre décontracté. On aime être sur le terrain, faire n’importe quoi, tout ce qui nous plait. Et c’est peut être pour ça que les gens nous voit comme un groupe garage ; parce que l’on se fiche de tout. On pourrait être sous la pluie, ou n’importe où … On se sert de nos difficultés comme d’une bataille et on joue de la musique. Je ne parle pas de se battre contre des gens mais de se battre tous les jours, de se battre pour jouer de la musique… C’est comme une bataille.

 

Comment avez-vous géré la composition et la production de votre album ?

Hmm… Et bien je suis moi-même producteur. Je fais des albums pour les autres.
Donc quand on a pensé à faire un album, on a passé beaucoup de temps chez moi avec Alex, à jouer de la musique. Nous avions fini par avoir, peut-être, 25 à 30 morceaux. On se disait des trucs genre : « Waw, celle là est trop bien », « Non, celle là craint, on est vraiment nuls ».
On a beaucoup travaillé à la maison ; on enregistrait pleins de trucs et on rendait nos voisins fous parce qu’ils n’entendaient que des gens faire « wruah wruah », des trucs pourris comme ça.
Et puis quand on a eu 16 chansons qui nous plaisaient vraiment, on est allé en studio pendant une semaine dans le sud de l’Espagne, dans un très joli endroit, vraiment paradisiaque. On est resté à l’intérieur de cette maison 24h/24 et 7j/7, à jouer de la musique en permanence et à s’enregistrer de huit heures du matin à minuit.
Et c’est de cette manière que l’album est sorti.
Un mec qui s’appelle Paco Loco, ce qui veut dire « Pierre le Fou » en français, l’a enregistré. C’est un mec bien, qui était aussi fou que nous et c’est tout, on l’a fait.

 

Pourquoi n’as-tu pas voulu produire l’album toi-même ?

Eh bien … On est allé en studio, et je n’avais pas tout l’équipement.
L’album a été produit par nous trois ; cette album c’est nous, nos idées. Et je pense aussi que ça aurait été très dur pour moi de produire mon propre groupe. Ça serait comme être un dictateur dans sa propre maison. J’ai envie d’être cool et de m’amuser. Ce n’est pas comme ça que nous travaillons, on est plus un groupe socialiste (rires).

 

The Parrots : Interview avec Diego Garcia
© Hache

 

J’ai lu que tu avais eu des problèmes de sommeil cette année et que c’est de cette manière que la chanson Jame Gumb est sortie. Comment votre santé physique peut avoir des répercussions sur votre travail ?

Le sommeil est très important, il nous influence et nous affecte vraiment.
Il y a une période où la paralysie du sommeil m’arrivait beaucoup : quand je m’endormais, mon corps dormait mais mes yeux étaient ouverts. Ça fait que mes rêves finissaient en fait par être ce qui se passait dans ma chambre, ma main … Tu vois ? J’étais paralysé dans mon lit et je voyais toute ma chambre.
C’est très frustrant et j’étais effrayé à l’idée de m’endormir parce que j’avais la sensation qu’à n’importe quel moment quelqu’un pourrait ouvrir la porte.
Je serais endormi et il pourrait me tuer ou me violer, ou quelque chose comme ça. J’étais là « who ».
C’était très intense parce que je le sentais. Je me souviens très bien de ces jours.
Une fois j’étais endormi et j’ai vu une ombre. Je savais que c’était une fille, et elle s’est déshabillée. Et… Ca paraît cool mais ça ne l’était pas (rires). Elle s’est allongée derrière moi et m’a pris dans ses bras. Je l’ai senti, et je suis sûr que c’était 100% vrai.
Mais tu passes vraiment la plupart du temps à te dire « bouge ton doigt, bouge ton doigt » parce que au moment où tu bouges, tu te réveilles et tu te dis « oh, what the fuck ».
C’était horrible. Çà a beaucoup influencé ma vie quand c’est arrivé.
On m’a dit que la paralysie arrivait à beaucoup de monde, et que c’était parce que j’étais sous pression.
Enfin… Rien de pareil ne m’est arrivé depuis.

 

Et ce genre de situation, ca n’a pas eu d’écho sur votre travail ?

Oui, oui, ça a influencé. Jame Gumb est un morceau qui parle d’un inconnu qui est dans ta chambre, et qui te regardes depuis le placard en se masturbant. Donc c’est fort. La manière dont sonne la chanson est aussi influencée par tout ça, car elle est plus noire que ce que nous avons l’habitude de faire.
J’imagine que ce genre d’état d’esprit, ce que tu ressens à un certain moment, va influencer une chanson que tu es en train de faire. Nous avons aussi des chansons qui parlent de certains de nos amis… Ce ne sont que des sentiments. Parfois ça peut être physique, parce que l’on est usé par ces sentiments, ou tout ce que tu veux.
Je ne sais pas … Si quelque chose de vraiment intense t’arrive je pense que ça affecte tout ce que tu écris.

 

D’ailleurs vous avez une chanson qui s’appelle The Road that Brings You Home. Est-ce qu’elle a quelque chose à voir avec tout le temps que vous passez en tournée?

Non, cette chanson parle d’une de mes ex. J’ai eu une copine pendant 6 ans et demi, qui a vécu à Paris pendant un an. Puis elle est revenue en Espagne et m’a dit qu’elle allait déménager au Brésil. Sa sœur y habitait depuis deux ans.
C’était difficile de vivre avec ça : je n’ai pas d’argent pour aller au Brésil, elle n’a en a pas non plus. C’était devenu impossible d’avoir une vraie relation donc on s’est séparé.
Mais on partage tellement de choses ensemble et on se connaît tellement bien que ça reste l’une de mes meilleures amies.
Je lui ai écrit une chanson qui parle de ne pas être triste à propos de la vie et de toujours se souvenir de ce que l’on a et ce que l’on a eu. De continuer de faire son chemin et voir ce qui arrivera. Personne ne sait ce qui va arriver ensuite.
Cette chanson est pour elle. C’est comme un message pour elle.

 

Pour votre album, j’ai vu que vous aviez signé chez Heavenly Recordings qui est un label anglais. Comment les avez-vous rencontrés ? Vous n’aviez pas envie de signer avec un label espagnol ?

On n’a eu aucune offre de labels espagnols. Et c’est vrai.
On a quelques amis qui ont des labels indés, de très petits, et on aimerait toujours faire des trucs avec eux mais il y avait des gens en dehors de l’Espagne qui voulaient sortir notre album. Les gars d’Heavenly voulaient vraiment le faire, ils aimaient vraiment beaucoup nos chansons et voulaient que l’on fasse partie de leur famille. Donc on a juste décidé de faire ça avec eux. C’était les plus sympas, et ils aiment beaucoup faire la fête. Et c’est important quand tu commences à travailler avec des gens de sentir que tu peux avoir confiance et que tu peux devenir ami avec eux.

 

The Parrots : Interview avec Diego Garcia
© Miqui Brightside

 

Quand j’ai écouté votre musique pour la première fois, j’ai pensé que les Parrots étaient les enfants des Clash, des Strokes et des Beach Boys.

C’est bien ! Et j’aimerais que ce soit vrai car nous serions riches (rires). Non, c’est bien parce que ce sont trois des groupes qui nous ont vraiment influencés. On aimait beaucoup les écouter. J’imagine que c’est vraiment bien. Pour la plupart des gens de notre génération The Strokes étaient quelque chose de très gros quand ils sont arrivés. On se disait vraiment « Putain, le Rock n’Roll est de retour ».
C’était il y a longtemps. J’avais 12 ou 10 ans. J’écoutais beaucoup de groupes de rock et quelqu’un est venu vers moi et m’a donné deux CD. C’est mon oncle. Il m’a donné le premier album des Strokes et le premier album des White Stripes. Je me disait « Putain ! J’arrive pas à le croire, c’est les seules personnes qui font ça maintenant, qui ne sonnent pas vieux ». La musique semblait actuelle et ça ça encourage vraiment à faire de la musique.
Donc merci, ce sont des très bons groupes.

 

Et on a entendu que vous écoutiez soit du hip hop, soit du rock n’roll.

Oui, on adore le hip hop ! J’adore le hip hop qui vient de France, qui est très bon. Il y a Oxmo Puccino, Mafia K-1 Fry, Kery James…

 

Mais on n’entend pas le hip hop dans vos chansons …

Hmm, on adore la musique. Je pense que les gens qui font de la musique sont des gens qui adorent la musique. Donc pourquoi être fermé sur les genres ? On pourrait aussi faire du hip hop.
On sent que le hip hop nous influence, mais toute la musique que l’on écoute nous influence d’une certaine manière. Mais… Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire, mais c’est comme tout. Les films que l’on aime nous influence, l’art que l’on aime nous influence … Tout, tout ça fait ce que tu es, j’imagine.
Et peut-être que ce n’est pas à la surface mais c’est là. Je ne sais pas, j’aime toute la musique qui est bonne, que je trouve bonne. Donc je pense que ça veut vraiment dire quelque chose sur ce que l’on fait, je ne sais pas.

 

Le top trois des Parrots ?

« Je ne sais pas, c’est très difficile » (dit Diego dans un accent français). Jacques Ductronc, Michel Polnareff, Nino Ferrer.