Weyes Blood : Interview

Natalie Merring de Weyes Blood a sorti en 2016 son troisième album ‘Front Row Seat to Earth sur le label Mexican Summer, un hymne à la planète et à un millénaire qui va trop vite, le tout porté par sa voix enchanteresse. 
Nous avons rencontré Natalie au pop up du label où le soir même avait lieu le concert de son ami Drugdealer et la veille du sien au Point Ephémère. 

Weyes Blood : Interview
© Katie Miller

 

Tes parents étaient musiciens, ce sont eux qui t’ont encouragée à faire ta propre musique ?

En quelque sorte ! Ils m’ont toujours soutenue pour jouer mais ils ne voulaient pas forcément que je continue une carrière dans la musique. Ils me disaient « Tu n’y arriveras pas, c’est trop dur », « Tu dois faire un vrai truc ». Mais ils m’ont vraiment encouragée à chanter et à jouer des instruments. Mon père m’a appris à jouer de la guitare et j’ai pris des cours de piano.

 

A quel âge as-tu commencé à écrire des chansons ?

Quand j’étais très jeune ! J’étais au début très impatiente, je voulais apprendre à jouer d’autres morceaux, alors j’écrivais des petites chansons faciles à jouer.

 

Comment écris-tu tes chansons en général ?

En général, ça me vient surtout comme une sorte d’éclair : une mélodie me vient, je me mets au piano et je l’arrange. Ou sinon je travaille sérieusement, j’expérimente en jouant, chantant, et je trouve quelque chose. J’improvise un tas de trucs et choisis ce qui marche, mais souvent, mes meilleures chansons sont celles qui me viennent comme des éclairs.

 

Quelles sont tes plus grandes inspirations et influences ?

Mes plus grandes inspirations et influences… J’adore Lou Reed, Harry Nilsson, Enya.
. J’aime beaucoup la musique classique du 20e siècle et du 19e siècle et les artistes underground et bizarre assez marginaux et plus expressifs, plus artistiques.
Et
j’aime aussi beaucoup  les classiques comme Joni Mitchell ou les Beatles, Ween, Radiohead, Sonic Youth… J’aime tellement de musique!

 

Le nom Weyes Blood vient d’un livre de Flannery O’Connor qui s’appelle Wise Blood, est-ce que tu trouves d’autres inspirations, des influences venant de la littérature ? Tu lis beaucoup ?

J’adore Italo Calvino, qui a écrit Cosmicomics, mon préféré. Il raconte des sortes d’étranges faux mythes qui entourent l’évolution de la planète terre ; les différentes phases de son développement. C’est donc très géologique, mystique et impressionniste, ce que j’apprécie car je pense que c’est ce que je fais un peu sur cet album : mélanger le géologique à l’artistique.
 J’aime aussi beaucoup la littérature amérindienne. Je viens juste de finir un livre qui s’appelle La maison de l’aube, de N. Scott Momaday. Il l’a écrit en 1968. C’est écrit un peu sous la forme de flux de conscience, sur ce que c’est que d’être un natif américain, de vivre en dehors de la réserve, dans une société blanche… Des choses comme ça. Je trouve que leur philosophie et leur cosmologie, leur vision du monde, sont très proches de la mienne même si je ne suis pas native américaine et que je ne cherche pas à m’approprier leur culture. Mais je pense que philosophiquement, leurs croyances sont très proches de mon âme.

 

Et dans d’autres arts, comme le cinéma et même l’art plastique, tu trouves des inspirations ?

J’adore David Lynch, Stanley Kubrick, Martin Scorsese, et j’adore les films tchèques. Les vieux films tchèques sont assez étranges, presque animés. Il y a beaucoup de décors bizarres, de l’animation en stop motion, comme dans les films de Jan Švankmajer, l’un de mes préférés. En fait j’aime beaucoup de choses, je n’ai pas de favoris.

 

Ta voix est particulière et très belle, tu travailles beaucoup dessus ?

Oui ! Le chant c’est comme un muscle donc quand tu ne chantes pas, tu ne travailles pas assez. Pour chanter il faut donc s’entrainer régulièrement, se défier, amener sa voix là où elle n’est encore jamais allée. C’est comme un athlète. Il faut s’en occuper et la préserver…ou pas. Certains musiciens décident de la détruire petit à petit, et cela fait partie de leur personnage. On peut vraiment aller dans les deux sens. 
J’essaie de chanter la musique d’autres artistes, je fais du karaoké. Je chante d’autres chansons, que je n’écrirais pas moi même, juste pour me dépasser et amener ma voix à de nouveaux endroits.

 

Tu dirais que c’est ta matière première, ton instrument ?

Oui !

 

Y a-t-il eu des changements importants entre ton premier EP ‘The Outside Room’ (2011) et les deux autres (‘The Innocents’, ‘Front Row Seat to Earth’) que tu as tous deux sortis sur le label Mexican Summer ?

Oui. Je crois que pour ‘The Outside Room’, qui contenait 4 morceaux que j’ai entièrement fait, j’expérimentais, je jouais un peu de tout, de la batterie, de la basse… Je faisais tout.
 Et sur ces deux autres albums j’ai peu à peu introduit d’autre gens dans le projet, des batteurs et des bassistes. Je n’ai pas encore forcément le coup de main quand il s’agit d’amener d’autres gens dans le projet car j’aime vraiment beaucoup enregistrer toute seule. Mais je pense que beaucoup de choses ont changé en ce qui concerne mes critères, et la qualité. Je ne pouvais pas jouer de la batterie aussi bien que je le souhaitais, c’est pour ça que j’ai demandé à Chris Cohen de le faire sur cet album.

 

Weyes Blood : Interview
Cover de Front Row Seat to Earth, © Katie Miller

 

Comment la collaboration avec Chris Cohen est-elle arrivée et comment ça s’est passé ?

On était tous les deux en tournée, et on s’est retrouvé à SXSW au même moment. Je l’ai vu jouer, et j’ai fondu en larme, j’étais tellement émue. Son album, ‘Overgrown Path’ a eu un grand impact sur moi et je me disais que c’était le candidat parfait avec qui travailler ; on s’accorde philosophiquement sur un tas de chose, on est ami et il est capable de réaliser exactement ce que je ne parviens pas à faire. Il a aussi une excellente oreille pour le rythme. Je n’arrive pas à entendre quand ça sonne faux, je le ressens simplement, mais il me le fait remarquer. Sa contribution équilibre mon côté peut être trop hasardeux ou aléatoire.

 

Tu pourrais expliquer le titre de cet album, ‘Front Row Seat to Earth’ ?

‘Front Row Sit to Earth’ est un peu la symbolique de notre déconnection de la planète ; comment nous sommes témoins de tous ces évènements qui se passent dans le monde et du changement climatique. Tout ça depuis nos ordinateurs, depuis des articles sur Facebook ou autre. Et on ne réalise par forcément que c’est nous en fait, que notre chair et notre sang viennent de la planète, qu’on fait tous partis du même ensemble. Nous sommes des animaux et des créatures qui faisons tous parti de cette éco-système et donc quand on le détruit ou quand il y a des guerres, comme ce qu’il se passe en Syrie ou au Moyen-Orient, on le regarde un peu comme si c’était du théâtre, déconnectés dans notre propre zone confort. On ne réalise pas à quel point c’est proche de nous. C’est symbolique de la manière dont nous percevons les choses.

 

Tu serais d’accord pour dire que dans ta musique il y a un certain sentiment nostalgie ?

Oui je pense qu’il y a un peu de nostalgie, je pense qu’ont vit dans une époque nostalgique car les choses ont finalement changé d’une manière si extrême qu’il n’y a pas de retour possible. Et j’ai l’impression que beaucoup de gens ressentent ces changements comme assez inhumains. C’est en fait basé sur la finance et le commerce et des choses qui ne sont constituées que de chiffres, n’ayant rien à voir avec l’homme et les émotions, les affects. Donc je pense que la plupart des gens se sentent distancés d’un monde où tout va trop vite et toujours plus vite, et où les esprits ne peuvent plus suivre. Je pense que dans le même sens, pour rester sains d’esprits, les gens des années 60 devaient faire des choses innovantes, folles, devaient se démarquer. À notre époque je pense qu’il faut que ce soit plus doux, posé, afin de rester sain, parce que les choses sont déjà parties trop loin.

 

Tes chansons sont souvent à propos de la difficulté de l’amour ; exprimer et communiquer son amour à quelqu’un. Cela vient de ta propre expérience ou est-ce lié aux difficultés que l’on peut avoir, aujourd’hui, à communiquer avec les autres ?

Ca vient surtout de ma propre expérience. Je crois que ça vient surtout du fait que je suis vraiment bizarre. En même temps, je pense que c’est universel et que j’écris surement sur des choses que traversent aussi beaucoup de gens actuellement. Mais c’est basé sur mon expérience personnelle.

 

Dans les clips de Seven Words et Generation why (aussi bien dans les paroles que dans les clips), tu mets en scène la relation que l’on peut avoir maintenant avec les nouvelles technologies. Prends-tu de la distance vis à vis de cette relation ou es-tu entrée complètement dans cette vague de changement (« Wave of change », parole tirée de la chanson Generation Why ndlr) ?

Je suis entrée dans la vague… Il y a certaines choses que j’essaie d’éviter ; j’essaie par exemple de ne pas passer mon temps sur les réseaux sociaux, de ne pas couper ma concentration en jetant constamment un œil sur mon téléphone. Il y a des frontières à ne pas dépasser afin de rester assez sain d’esprit. Mais en même temps, ces frontières tendent à se brouiller aujourd’hui car tout est basé sur le téléphone, l’ordinateur, les e-mails. Alors je me retrouve avec l’envie de mieux le comprendre, et en même temps j’y vois une évolution naturelle de l’humanité. On crée cette espèce de réseau de communication technologique externe et interconnectée.
 C’est très symbolique de ce que nous vivons dans notre intérieur, qui est plus difficile d’accès et qui serait comme une connexion subconsciente à l’autre. On est tous accroché à cet internet spirituel auquel il est plus difficile d’accéder, qui est un peu plus insaisissable. Alors naturellement, on crée cette toile artificielle. C’est comme une version pervertie de ce qui vit en chacun de nous ou quelque chose du genre… Ca symbolise quelque chose de vraiment instinctif.

 

Tu as beaucoup de clips, toutes les idées et la réalisation viennent de toi  ?

Oui j’essaie de toutes les réaliser moi même. Sauf pour Seven Words, celui là a été réalise par mon amie Charlotte Linden Ercoli. Elle sort avec Ariel Pink, c’est comme ça que l’on s’est rencontré. C’est une fille bizarre, très intelligente. J’étais là : « Je veux faire une vidéo avec une sirène ! ». Elle m’a dit : « Okay !! » et lui a donné vie. Son style est cool. Elle me disait : « Vas-y fais ce que t’as à faire ! » et elle enregistrerait ce qui arrivait.

 

Quand on écoute ta musique, et les collaborations avec Drugdealer, on entend beaucoup d’influences des 70’s et dans l’EP que tu as fait avec Ariel Pink, tu as parlé de la période de la Renaissance pour le décrire en partie, quelle relation tu as avec la musique du passé ?

J’aime les formes premières de musique tels que les chants grégoriens. J’aime ce que les gens composaient avant que Bach ne créée ses tempéraments. Je vais assez loin en ce qui concerne l’histoire de la musique, même avec ses formes les plus anciennes, comme les choeurs grecs… J’ai l’impression qu’il y a un peu de ça dans ma musique et le fait que je me centre autant sur la voix. C’est quelque chose de très ancien et archaïque dans la musique ; tout à commencé par la voix.
J’aime les formes anciennes de musique mais j’aime aussi le futurisme, la noise, l’industriel.
 Je pense que tout ça est mis à disposition pour être utilisé. C’est devenu comme une partie de la bande sonore de nos vies maintenant. Alors j’adore mélanger les deux extrêmes : le chant archétypal et antique, à un son électronique et industriel.

 

Tu aimes bien le groupe anglais This Heat ? Ils se sont recomposés et sont passés à Paris il y a quelques semaines sous le nom de This Is Not This Heat, ils sont incroyables.

Oui, ils sont incroyables, je les adore ! C’est l’un des meilleurs groupes expérimental. J’aime aussi beaucoup Soft Machine.

 

L’ EP que tu as sorti avec Ariel Pink, ‘Myths 002‘, comment c’est arrivé ?

On était amis depuis des années, j’ai chanté sur Mature Themes (sorti en 2012, ndlr) donc on était un peu déjà dans le même cercle. Il connaissait ma musique et j’adore la sienne, j’ai totalement été influencée par lui. Et Mexican Summer ont un festival à Marfa (Marfa Myths festival, ndlr) où ils invitent deux artistes à venir enregistrer ensemble. Keith de Mexican Summer me disait : « Je pense que tu devrais faire ça avec Perfume Genius ». Et je me disais : « Cool c’est super ! ». Mais finalement Mike (de Perfume Genius, ndlr) ne pouvait pas le faire donc Ariel a dit : « Je vais le faire », et je me suis dit (elle chuchote) «Yeeesss ».

 

Weyes Blood : Interview
Myths 002, Ariel Pink x Weyes Blood, Mexican Summer

 

Et les chansons que tu as faites avec Drugdealer ?

J’étais en colocation avec Mike, on vivait ensemble à Baltimore et je me disais : « Qui c’est ce mec frappé ? ». Il était si excité et plein d’idées. Il avait tout un tas de vidéos dingues qu’il réalisait et il faisait aussi de la musique. Il me disait : « Je voudrais que tu chantes là dessus ! ». Je répondais : « Ouais mec je m’en fous un peu ». Mais finalement je l’ai fait et c’est super. Maintenant on habite tout les deux à L.A, on n’est plus colloc mais toujours très proche.

 

Est ce qu’en faisant ces collaborations, ça t’aide à chanter des choses que tu n’écrirais pas ou chanterais pas de ton gré ?

Oh oui carrément, il (Drugdealer) m’a amené dans une zone un peu plus « karaoke », ce que j’aime bien. Et Ariel m’a plutôt fait accéder à une partie bizarre de ma voix, sombre et lyrique.

 

J’ai aperçu un commentaire sous un article concernant la place des femmes dans l’industrie musicale, particulièrement la musique expérimentale, et il disait quelque chose comme : « Si les femmes ne sont pas plus visibles en musique c’est pas une question de discrimination, qu’elles prennent une guitare et qu’elles se bougent, voilà. »

Oh ça c’est un troll, les gens qui commentent comme ça sur internet connaissent que dalle.

 

L’article justement te citait au début : tu aurais dit dans une autre interview qu’une part de l’industrie musicale est une sphère élitiste, patriarcale, composée en majeure partie d’hommes. Qu’est-ce que tu pourrais dire de ta position face à un commentaire de ce genre ?

Oh il ne sait rien. De un, il ne fait probablement rien dans le monde de la musique donc il ne sait pas à quel point il faut travailler dur. Les femmes travaillent deux fois plus dur que les hommes, parce qu’elles n’ont pas autant ce système de soutien entre elles. Les hommes se soutiennent, ils sont compétitifs, mais pas autant que les femmes parce qu’il n’y a finalement de la place souvent que pour la femme symbolique du groupe. Il y a tellement de filles dans les groupes qui sont là souvent symboliquement. 
Et c’est pas comme si il y avait des groupes de filles qui se soutenaient entre elles. La seule fois où ça s’est produit c’était Riot Grrrl et c’était juste une phase, c’est plus si répandu.
 Donc les femmes ont tendance à devoir travailler deux fois plus parce qu’elles ont besoin de s’affirmer deux fois plus, prouver qu’elles ne sont pas juste des trucs jolis mais qu’elles sont aussi talentueuses. Elles n’ont pas forcément quelqu’un qui leur tend la main, comme je l’ai déjà vu se faire chez mes amis hommes.
Tout le monde doit travailler très dur, c’est un mythe de penser que tout le monde peut faire de la musique juste en étant bon. D’abord tu dois être bon, ensuite tu dois être encore meilleur, et puis tu dois être un robot. C’est dément à quel point tu dois travailler pour que ça marche.
Je pense que les femmes travaillent d’autant plus qu’elles sont confrontées à beaucoup de résistance. Parce qu’elles n’ont pas de meute. Les hommes sont unis dans une meute.
 Un homme peut avoir un groupe composé que de mecs qui s’en foutent d’être payés ou pas. Si t’es une fille et que tu veux monter un groupe, les mecs ne vont pas tous se sentir à l’aise à suivre les directions d’une fille. Et c’est très différent, vraiment différent. 
J’ai vu beaucoup de mes amies femmes travailler deux fois plus. Et finalement j’ai l’impression qu’aujourd’hui il y a plus de femmes qui font des choses incroyables, comme jamais auparavant. Je pense qu’il y a davantage de femmes dans l’industrie maintenant. Mais même les femmes qui ne jouent pas de la musique, qui sont manageuses ou agents, travaillent plus dur que les hommes. Les femmes ont toujours du s’affirmer, faire leurs preuves. Donc quoique dise ce type, il l’a dit derrière son ordi et il n’a surement jamais tourné ou fait de concert donc il ne sait pas de quoi il parle. Les femmes qui restent sur leur cul ? De quoi il parle ?

 

Quelles artistes femmes tu aimes ?

J’adore Joni Mitchell, Nico, Judee Sill. J’aime beaucoup Julia Holter, Jenny Hval, Kim Gordon, Kim Deal. J’en aime beaucoup ! Kate Bush… Girlpool sont plutôt cool. Julie Byrne, Itasca, Circuit des Yeux, Angel Olsen aussi… Il y a toujours quelque chose chez chaque artiste que j’apprécie, je ne déteste aucun artiste. Mais je pourrais dire que ma préférée pour le moment c’est Julia Holter. J’adore l’atmosphère bizarre, un peu néo-classique, renaissance, qu’elle a. Et j’adore le confessionalisme de Jenny Hval. C’est quelqu’un de tellement vulnérable et d’honnête ; comme une sorte d’oratrice décalée, j’aime beaucoup ça justement. J’aime aussi certains trucs de Grimes.

 

Weyes Blood : Interview
Weyes Blood lors de son concert au Point Éphémère – © Robert Gil

 

Maintenant tu considères Weyes Blood plutôt comme un groupe ou surtout juste toi ?

Weyes Blood est mon groupe et j’ai des copains de groupe. Avant c’était Weyes Blood and the Dark Juices, Weyes Blood et les ceci, les cela… Maintenant c’est juste : Weyes Blood.

 

Tu aimes jouer en live ? Tu préfères jouer en salle ou en festival ?

Oui ! Je préfère dans une salle. Les festivals c’est bizarre… Mais il y a quelque chose dans l’énergie d’un festival qui peut être vraiment drôle. Tu peux faire de la merde et être bizarre, les gens aimeront quand même. Mais la manière dont je chante et je fais mon truc prend plus de sens dans une salle.

 

Pourquoi t’es-tu finalement installée à Los Angeles ? Parce qu’on dirait qu’en ce moment beaucoup de gens y viennent, souvent venant de New York.

A là base je viens de là! Je suis née là bas (Santa Monica, Californie, ndlr) alors pour diverses raisons j’ai l’impression que c’est chez moi. J’ai vécu dans beaucoup d’endroits différents et j’ai passé beaucoup de temps sur la côte Est. J’ai déménagé en Pennsylvanie quand j’avais 11 ans, donc se ne sont que dans les onze premières années de ma vie. Mais je suis Californienne si l’on remonte à ma 7ème génération, ce qui est super rare. C’est un endroit encore récent alors ça veut dire que les premiers à s’y être installés sont mes ancêtres. Je me sens réellement liée à l’environnement géologiquement, émotionnellement, philosophiquement, culturellement. De toutes façon je me sens en faire partie. Même si c’est un peu sombre, peut être kitsch genre : « Oh  L.A c’est bizarre », mais je suis bizarre donc…

 

La chanson Can’t Go Home parle de quelle ville ?

C’est l’idée d’être incapable émotionnellement de revenir chez soi. Une fois que tu quittes l’enfance, tu pars et commences à construire un panel d’expériences en tant qu’adultes ; des relations, des déceptions. Et ce qui finit par se produire, c’est cette incapacité à retourner à ce état de pureté, plein d’espoir, qu’est la jeunesse. Tu regardes la vie en te disant (elle prend une voix un peu enfantine) : « Tout va m’arriver, je vais tomber amoureuse et avoir une carrière, et ma propre maison et ça va être exactement comme quand j’étais enfant ». 
Puis tu grandis et tu te rends compte que : « Oh mes idées sur l’amour sont en fait fausses, basées sur des films. La planète change et si j’ai des enfants qui sait à quoi va ressembler la vie des leurs. Il n’y a plus d’argent, on est en récession… ». Je veux dire : you can’t go home. Tu ne peux pas revenir à la façon dont tu aurais voulu que ta vie se passe.
Ca parle aussi de la déambulation ; être quelqu’un à la recherche constante de nouvelles expériences. Je n’ai pas de racines. La Californie sont mes racines les plus proches. C’est un endroit nouveau, pas si historique. Il n’y a pas vraiment de grandes institutions là bas, à part peut-être Hollywood, qui est une institution totalement chaotique, un peu sombre et malfaisante. Donc oui, Can’t go home a de multiples significations.

 

Qu’est ce que tu écoutes comme musique actuelle ?

J’aime bien Alex Cameron, The Lemon Twigs, Mac Demarco, Julia Holter. J’aime beaucoup Kurt Vile, Pharmakon, Wolf Eyes… J’aime bien aussi Tonstartssbandht, Connan Mockasin, j’adore Connan Mockasin, Kirin J Callinan, Gum (le projet sol de Jay Watson du groupe Pond), Father John Misty… Ca fait beaucoup de groupes ! J’aime vraiment Tonstartssbandht, Horse Lords, qui est un groupe de Baltimore bizarre, un peu post punk. Et Pharmakon, elle est très industrielle, bruyante…

 

Ce serait quoi ta collaboration de rêve ?

Avec The Lemon Twigs. Ouuh yeaah. Je suis une grande fan. J’aimerais aussi beaucoup collaborer avec Connan Mockasin. On en a déjà un peu parlé, mais il est un peu dans son propre univers. J’aimerais aussi beaucoup collaborer avec… Father John Misty car je pense que nos deux voix seraient très belles ensemble.

 

Est-ce que tu travailles déjà sur un nouveau projet ?

Oui je travaille sur mon prochain album. Je l’étoffe et réfléchis à un studio dans lequel j’aimerais l’enregistrer. Je travaillerais de nouveau avec Chris Cohen et Kenny (Kenneth Gilmore de Mexican Summer, ndlr).

 

Toujours sous le label Mexican Summer ?

Cela reste à être déterminé…C’est une information top secrète…