Charlotte Day Wilson, la classe canadienne

“It’s gonna take a bit of work / Oh-oh, work”. C’est par ces mots de sagesse, à contre-courant de la fulgurance, que Charlotte Day Wilson entre dans le cercle des musicien.ne.s qui ont un tube à leur actif. Portrait d’une patiente constructrice d’un son et d’une discographie riche et irréprochable.

 

Charlotte Day Wilson, la classe canadienne

 

Native et habitante de Toronto, on sait peu de choses sur l’enfance de Charlotte Day Wilson, sinon qu’elle écoutait du jazz avec ses parents, et qu’elle a commencé le saxophone autour de 13 ans, instrument encore présent sur ses morceaux, et sur scène. Peu de chose sur ce passage mystérieux entre l’enfance et l’âge adulte, sinon qu’elle a entamé puis quitté des études de musique à Halifax, a tourné avec un groupe de funk, The Wayo, fait un passage par Montréal puis est retournée à Toronto, où elle a commencé à travailler sérieusement sur sa propre musique, et a rencontré BADBADNOTGOOD, et Daniel Caesar, amis et collaborateurs, encore à ce jour.

C’est lentement, avec patience et minutie, que la canadienne a construit son son, son identité de productrice. Un premier EP, CDW (2016), dont est issu Work, pose les bases de sa signature : une voix grave, au timbre doux, au vibrato vulnérable, proche de celui de James Blake, et aux inflexions délicieusement soul. Des morceaux downtempo, lancinants, ponctués par un piano, un synthé, un saxo parfois, et des chœurs entremêlés, venimeux, sublimes. Le genre qui fait s’asseoir, se taire, écouter avec un air grave.

 

 

Deux ans plus tard, deuxième EP, aux prods plus sophistiquées, au titre ambivalent. Sur les 6 titres de Stone Woman, Charlotte Day Wilson déroule les méandres de la dissociation émotionnelle, à travers la rupture, le deuil, le doute. De l’incantation désespérée, sur une prod vaguement expérimentale (Stone Woman), à des ballades R&B classiques et terriblement classes (Doubt), et des lamentations au groove subtil mais implacable (Falling Apart), la chanteuse et productrice fait la démonstration, sans prétention mais tout en confiance, de sa maîtrise d’elle-même et de sa musique.

 

 

L’album est en préparation, mais pour patienter, Charlotte Day Wilson a laissé deux merveilles : Mountains, puissante et glorieuse, et Take Care of You, une ballade R&B old school, en featuring avec la chanteuse de hip hop Syd, ancienne comparse de Tyler the Creator dans le collectif Odd Future. Sans compter une collaborations avec Kaytranada et un sample d’un de ses morceaux dans l’EP Before de James Blake, fin 2020.

Une reconnaissance grandissante et méritée pour une musicienne qui a la patience de ses ambitions.