Pi Ja Ma : Interview

Pi Ja Ma c’est Pauline de Tarragon, Axel Concato et les musiciens qui les accompagnent.
Après un passage à la Nouvelle Star, Pauline rencontre Axel. Ils créent Pi Ja Ma. Un projet qui s’équilibre entre Axel qui écrit, compose, et Pauline qui chante et s’occupe de la partie visuelle.
L’été dernier ils sortaient ‘Radio Girl‘, premier EP très prometteur. Aujourd’hui, ils ont signé chez Cinq 7.
Rencontre avec Pauline, à l’occasion de la réédition de ‘Radio Girl‘.

Pi Ja Ma : Interview
Crédit photo : Pauline de Tarragon

 

La Nouvelle Star a t-elle été un tremplin qui t’a permis d’en arriver là où tu es ? Au contraire est-ce que cela t’a fermé des portes ou donné envie d’arrêter la musique ?

Quand je suis sortie de là, j’étais un peu choquée par ce que je venais de faire.
Là bas, tu es vraiment enfermée dans un monde ; on dirait une autre dimension. C’était aussi la première fois que je tombais amoureuse… J’étais vraiment ailleurs. C’est comme si j’avais fumé un joint pendant deux mois. J’étais paumée.
J’ai donc voulu stopper net la musique. Je me disais que ce n’était pas pour moi, que j’avais l’air hyper cruche sur scène.
Mais après j’ai rencontré Axel, qui écrit et compose les chansons de Pi Ja Ma. On s’est très bien entendu, alors je lui ai vite raconté ma vie, et il a écrit des chansons sur moi, toujours en demandant si cela me plaisait. C’est là que j’ai décidé de continuer la musique.
La Nouvelle Star c’est assez violent comme aventure ; tu es propulsé d’un coup, des fans veulent faire des photos, veulent ta signature… alors qu’il y a une semaine tu étais encore à l’école. J’étais en terminale à l’époque. Ca n’avait un peu aucun sens.
Il faut être bien suivi une fois sorti de là et ne jamais décrocher la tête de ses épaules, sinon on se vautre complètement. J’ai toujours su que je n’allais jamais devenir une star en sortant. Ce n’était pas ma volonté et je n’ai jamais trop cru à ce que l’on me racontait en fait.

 

Quand tu es allée à la Nouvelle Star, tu avais déjà dans l’idée d’être chanteuse ?

Non, pas du tout. Des copines m’avaient inscrite parce qu’elles savaient que je chantais un tout petit peu, mais comme tout le monde, chez soi. Et c’est vrai que dès le début je me suis faite repérer ; on me faisait passer, on ne me faisait pas faire la queue. Petit à petit, c’est vraiment devenu énorme, et puis après je me suis prise au jeu.
Comme n’importe quel jeu, quand on te met dedans tu as envie de gagner. Vers la fin je ne voulais pas gagner parce que je ne voulais pas faire de disque. Mais j’aimais bien être là bas, c’était l’hôtel, c’était Paris…

Pi Ja Ma : Interview
Crédit photo : Pauline de Tarragon

 

Sur ton EP ‘Radio Girl’, tu n’as pas participé à la composition et à l’écriture. Est ce que c’est quelque chose que tu envisages de développer par la suite ?

Même maintenant en fait ! Mais c’est vrai que j’ai très peu de temps… J’essaie d’écrire des chansons, mais pour l’instant c’est assez médiocre car je n’y consacre pas assez de temps. Axel reprend ce que j’écris, il le modifie.
Dernièrement, j’ai quand même écrit tout le refrain d’une chanson, ce qui est quand même assez phénoménal pour moi, parce qu’on l’a gardé. J’ai écrit un refrain, après le reste c’est souvent : je donne des idées et lui il écrit des paroles.
Mais c’est vrai que j’aimerais plus m’y consacrer, c’est quand même intéressant de chanter les mots que l’on écrit.

 

Et pour la composition ?

Non alors ça jamais de la vie (rires). Je ne comprends rien, c’est du chinois pour moi.

 

Est-ce que c’est pour ça que tu as voulu développer tout le côté visuel de Pi Ja Ma ? Que ce soit la cover, le clip de Radio Girl…

C’est vrai que je trouve un peu ma légitimité dans le projet au fait de monter sur scène et de m’occuper de tous les réseaux sociaux, parce que j’adore ça. Entre Axel et moi je suis la plus connectée, celle qui est née avec le téléphone dans la main.
Après il y a toute la partie dessin. Moi ça me permet de montrer mon autre passion aux gens qui écoutent Pi Ja Ma.
Et puis les pochettes d’album c’est un boulot que j’aurais adoré faire pour quelqu’un d’autre. Alors que là c’est mon album, c’est encore mieux. C’est vrai que ma part du gâteau, c’est un peu ça.
Chacun à sa petite part, et je pense que si je n’avais pas ça je me sentirais un peu inutile, à juste arriver, chanter, repartir.

 

Axel occupe une place importante dans Pi Ja Ma. Comment s’est fait cette rencontre ?

Par mail. Il cherchait une chanteuse pour un de ses projets, qui n’était pas Pi Ja Ma. Il avait l’air hyper marrant, il était complètement taré. Alors on s’est vu dans un café mais le premier projet ne m’a pas plu.
Après on est allé chez lui, il m’a fait écouter une autre chanson, c’était In The Air, la deuxième de l’EP.
Là j’ai trop kiffé, et j’étais limite prête à me battre pour faire ce truc. Puis on s’est mis à faire le reste de l’EP, on a trouvé le nom de Pi Ja Ma et créé tout l’univers autour. On s’entend hyper bien, on est vraiment ultime. L’un sans l’autre on ne peut rien faire.

 

Alors tu considères Pi Ja Ma comme un groupe ?

Il y a eu débat pendant des jours et des jours pour ça. Le personnage, Pi Ja Ma, c’est moi.
Après, Pi Ja Ma, c’est bien sûr un groupe. Mais nos musiciens changent souvent donc pour l’instant on n’est pas encore trop fixé. Mais c’est vrai que j’ai du mal à parler de moi… Au début du concert par exemple, je ne dis pas : « Bonjour, je suis Pi Ja Ma ».
Je dis « on », parfois « je ». Mais c’est compliqué parce que pour moi Axel c’est 50% du travail, voire plus donc…

Pi Ja Ma : Interview
Crédit photo : Pauline de Tarragon

 

Sur ton EP il y a des univers très différents. Est-ce que tu dirais que c’est lié au fait que ce soit Axel qui compose, ou tu te ressens aussi là dedans ?

En fait on fait tout à deux. Ce qui est marrant c’est que l’on n’a pas du tout le même âge, mais on écoute les mêmes choses, vraiment. C’est pour ça qu’on s’est aussi bien entendu.
Je me suis rendue compte que cet EP reflète la vraie personne que je suis. J’ai l’impression d’être tout le temps dans les extrêmes ; il y a des moments où je suis hystérique, je danse comme une grosse folle en culotte, et d’autres moments où je suis déprimée, trop dark dans ma chambre genre «  Ma vie c’est de la merde ». Mais je pense, comme tout le monde !
C’est intéressant de faire un EP ou un album où tu passes par plein d’état d’esprit.
Après il y a des gens qui s’inscrivent vraiment dans un style… Mais moi j’ai vingt ans, je n’ai pas de style. Je pense que l’album sera encore plus comme ça, encore plus éclectique et qu’il y aura pleins de choses.

 

Justement, tous les morceaux que tu joue sur scène, ce sont des morceaux qui feront partis d’un album ?

Oui ! Après, c’est encore en discussion parce qu’il faut que ça passe par le label.
Ce que j’aime bien c’est que quand les gens viennent pendant le concert et qu’ils se disent : « Attends il y a 9 morceaux ? Moi j’en ai écouté que 3 du coup j’en découvre pleins ! ». Ca ç’est rigolo. Alors que quand il y aura l’album, ils connaitront un peu plus. En même temps ça serait bien parce qu’ils vont peut être chanter avec moi. Je me sentirais moins seule.
Je vais peut être sortir des morceaux avant l’album. Là j’ai une idée de clip pour By The River. Je suis trop à fond, un clip complètement chtarbé, qui n’a aucun rapport avec la musique.
Mais pour le coup je ne sais ni filmer, ni donner des ordres, ni faire de décors, donc je pense que j’aurais besoin d’une équipe. Je n’ai pas envie de m’inscrire dans un truc trop cheapos, comme avec Radio Girl. À un moment il y a juste les décors qui vont se casser derrière-moi et je vais être là genre « Ah, bon, j’arrête ».

 

Pour revenir sur tous ces univers différents de l’album, quelles sont tes influences musicales ?

Depuis mes 16 ans, j’ai arrêté d’écouter les trucs de mes parents, ou de mes copains. Je n’ai jamais trop écouté les trucs de mes copains, je ne comprenais pas trop pourquoi ils écoutaient du David Guetta par exemple. Moi ça ne m’a pas saisi quoi. Bien que j’ai écouté des grosses daubasses.
À seize ans j’ai eu un tournant, j’ai découvert tous les groupes de rock psychédélique. Ca me prenait et je me disais “C’est du génie, c’est de la musique, tu as juste à l’écouter et ça te fait voyager”. Même si c’est hyper cliché. Je ne sais pas, ça me donnait envie de pleurer, ça me donnait des sensations cheloues.
C’est le moment où tu commences à sortir, à boire, à prendre de la drogue… Enfin à faire un peu n’importe quoi dans ta vie. Ces musiques-là sont hyper liées à cette période de ma vie. J’ai découvert en premier les Doors, et même aujourd’hui ça me met un peu en transe. Après il y avait les Jefferson Airplane, les Velvet Underground… J’adore chanter les chansons des Velvet Underground.
Maintenant j’essaie d’être plus dans la découverte. J’écoute beaucoup plus de français. « Maintenant que j’ai 20 ans j’écoute du français » (rires).
Par exemple, comme tout le monde en ce moment, j’écoute Fishbach. Je trouve qu’elle s’inscrit bien dans l’air du temps et qu’elle se démarque. Elle me fascine complètement. J’aime bien Mathieu Boogaerts aussi.
J’aime bien ces gens que tu pourrais dessiner en 30 secondes, parce qu’ils ont tout un univers autour d’eux. Fishbach elle parle tout le temps de la mort, de l’amour, des trucs chelous. Et Mathieu Boogaerts il est juste trop mignon, il est tout petit, il raconte des petites chansons et il danse trop mal. J’aime trop.

 

Tu disais que tu aimais bien reprendre les Velvet Underground, et j’ai pu voir que tu faisais pas mal de cover. C’est aussi quelque chose tu considères important ?

Aujourd’hui quand tu parles de cover, les gens s’imaginent direct le truc cheapos, genre une cover Shakira ou Jul, en acoustique.
Sur Youtube, il y a vraiment une culture de la cover. Des trucs assez degueu, genre « je reprends du Maître Gims ». Enfin chacun ses goûts, mais ça me soule, je n’aime pas. Je suis pour la réinterprétation de chansons ; un truc vraiment tout nouveau, ou un truc qui a carrément rien à voir avec toi. J’adore chanter les chansons des autres et là si on me disait que l’on partait une semaine faire des cover j’aurais un milliard d’idées !
Nous en avions fait une des Velvet Underground avec Axel, Who Loves the Sun. On ne l’a pas gardée mais j’avais trop kiffé la faire. Il avait vachement bien réarrangé le morceau. À l’avenir, c’est sûr que l’on en refera.

Pi Ja Ma : Interview
Crédit photo : Pauline de Tarragon

 

Est-ce que tu dirais qu’aujourd’hui vous avez su trouver un bon set pour vos live ?

Nous avons fait le chantier des Francos, nous étions un peu réticent à l’idée d’y aller. Mais on l’a fait et ça nous a transformé. Il y avait Christophe Mali, le mec de Tryo, qui n’a aucun rapport avec nous, mais qui nous donnait des conseils sur scène. Au début j’étais un peu réticente mais il nous a donné de très bonnes idées et ça nous a transformé.
Je t’avoue que pour les premiers concerts je n’étais pas très à l’aise. Ca ne me ressemblait pas du tout : on rigolait avant dans les loges, on se balançait des trucs, et après j’allais sur scène, on aurait dit un petit agneau ou la vierge Marie.
Là, enfin, ça commence à ressembler à ce que l’on veut vraiment. On est toujours un peu stressé alors on boit, un peu, avant de monter sur scène. Mais c’est cool.

 

Tu as été programmée pour le festival Les Femmes s’en Mêlent, qu’est-ce que tu penses de ce festival ?

Au début je ne connaissais pas. Je ne comprenais pas parce que nous n’avions jamais fait de nom aussi prestigieux.
Alors je m’y suis intéressée et j’ai rencontré Stéphane Amiel avec deux autres artistes, Corine et Sônge. J’ai compris ce que c’était, et j’ai enfin ouvert un peu les yeux.
C’est vrai que c’est un festival qui a 20 ans, le même âge que moi, et qui a vu défiler pleins de “superstar”. Au début je n’ai pas trop compris le message, je me suis dit « Mais attend ils excluent complètement les mecs de la scène ? ».
Puis j’ai compris que c’était en fait une super idée. Parce que les mecs ils sont tout le temps en énorme nombre partout où tu vas. Dans tous les milieux professionnels ils t’écrasent, avec leurs gros pantalons et leurs grosses chaussures. Je me suis dit que c’était bien de tendre le micro aux femmes et de leur dire : “Vous avez trois soirs pour faire ce que vous voulez, et pour prouver que les meufs elles ont du talent, elles sont drôles, elles te font tout comme les mecs, voire en mieux”.
En fait ce n’est pas un truc anti-homme, c’est plus un truc pour promouvoir le talent des femmes, et des talents émergeant.

 

Tu n’avais pas peur que ce soit justement un truc anti-homme, super engagé… ?

C’est ça le seul problème avec le féminisme et avec toutes les luttes ; il y a des gens qui sont beaucoup trop extrêmes et qui sont là « Who rules the world », « Girls » et qui disent : « On va vous mettre des gros coups de talons dans la gueule » alors que ce n’est pas du tout le but. Le but c’est qu’un jour on n’ait plus besoin de faire des festivals de femmes, et qu’il y ait une mixité partout. La moitié de la terre, c’est des femmes, dont ce serait logique.
Moi j’écris des livres pour les enfants, je m’y intéresse vachement, et je me rends compte que dans ce domaine-là, la plupart des héros sont des garçons, blancs, et la femme est toujours ou la mère, ou la petite soeur un peu fragile, qu’il faut sauver.
Sur tous les fronts j’essaie de changer un peu les choses à ma façon, mais c’est vrai que j’ai l’impression que l’on est en retard d’un milliard d’année.
Et pour la musique c’est ça en fait : les mecs on va te dire « C’est nul », mais nous on va nous dire « Grosse salope, descend de la scène ». Ben moi j’aimerais bien qu’on me dise ça un jour et je pense que je me jette et je casse des gueules comme ça. Allez, j’y vais (rires).

 

Tu crois que tu y arriverais ?

À casser des gueules ? Je pense que sur scène, avec toute l’euphorie, ouais.
Je suis hyper calme, douce, et amicale. Mais dès qu’on s’en prend à moi, à ma famille ou aux gens que j’aime, je deviens une folle. Je reprends l’accent du sud et je me mets à parler mais comme une grosse racaille, on dirait une folle.
Il ne faut pas trop m’attaquer sinon je deviens un peu incontrôlable. J’ai prévenu ! (rires).